Le vélo et la trottinette électrique suffiront-ils à régler les problèmes de circulation dans les grandes métropoles ? Pas pour les personnes résidant loin des centres-villes, pour lesquelles la voiture demeure un mal nécessaire. Pour répondre à leurs besoins, Olivier Binet, cofondateur de Karos, propose une application de court-voiturage ou covoiturage sur courtes distances. Alors que nous sommes à la veille de la semaine de la mobilité européenne (du 16 au 22 septembre prochains), il nous a expliqué son fonctionnement dans un entretien exclusif.
Cofondateur de Karos, Olivier Binet s’occupe des partenariats et des actions à l’attention de la communauté des utilisateurs pour développer l’application de court-voiturage. Son associé Tristan Croiset, quant à lui, s’occupe des sujets techniques et scientifiques. Sorti d’HEC en 2003, Olivier a tout d’abord occupé des responsabilités dans le domaine de l’investissement dans les PME. En 2014, avec Karos, il a décidé de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Le quotidien mouvementé des entrepreneurs, on peut dire qu’Olivier connaît bien à présent !
Tristan et Olivier ont fondé Karos en partant d’un constat. À ce jour, trop de personnes encore se retrouvent seules au volant en allant au travail. Et cela pose de vrais problèmes en termes de mobilité (embouteillages et pollution), sans parler d’un pouvoir d’achat en berne. Les deux hommes ont donc cherché à adapter le concept du covoiturage aux trajets du quotidien. Rappelons que le covoiturage est entré dans les mœurs dès 2006 avec Blablacar.
Selon Olivier, « 25% de la population des grandes agglomérations vit et travaille en centre-ville. A contrario, 75% du reste de la population travaille ou bien vit, ou bien encore vit ET travaille dans les zones péri-urbaines. Or, ces dernières sont dépourvues d’un réseau de transport public aussi dense et efficace que les centres-villes ». Partant de ce constat, Olivier et Tristan ont cherché à faire émerger une solution alternative de transport. Le nom de leur société fait même référence à Blaise Pascal, « qui a créé le premier réseau de carrosses partagés en 1662 ».
Le modèle économique de Karos : travailler en cheville avec la puissance publique pour décarboner les transports urbains
L’utilité du covoiturage a été reconnue au niveau européen. L’entreprise a ainsi reçu le soutien de l’Europe, la Commission européenne ayant choisi d’entrer au capital de Karos ! Ce soutien fait suite à la conclusion du Green deal cette année. Rappelons que ce dernier recouvre un vaste programme d’initiatives publiques visant à développer des solutions permettant de décarboner l’économie.
Au niveau national, les assises de la mobilité de 2017 ont débouché sur la Loi d’Orientation des Mobilités (2019). Cette LOM met sur le même plan court-voiturage et transports en commun. Par conséquent, les collectivités locales compétentes en matière de transports sont habilitées à traiter le court-voiturage comme n’importe quel autre mode de transport public. Elles peuvent notamment le subventionner pour que le prix acquitté par le passager demeure attractif pour ce dernier.
En d’autres termes, a rappelé Olivier, « les régions et collectivités avec lesquelles nous travaillons (Île-de-France, Normandie, Occitanie, les métropoles de Grenoble, Cholet, Flers, etc.) assimilent court-voiturage et transport public. C’est-à-dire que notre technologie est déployée sous la marque du réseau de transport public avec une grille de tarification alignée sur celle du réseau de transport. Donc, si vous êtes conducteur, mettons que vous perceviez 2,50€ au titre du trajet réalisé avec votre covoituré. Si le ticket de transport public est à 1,20€, le covoituré ne paye que cette somme, en vertu de l’alignement du prix du court-voiturage sur celui des transports publics. Sur les 2,50€ perçus par le conducteur, la collectivité va donc financer le solde, soit 1,30€, au titre du service de transport public ».
Le forfait mobilité durable déployé par les entreprises
La LOM stipule également que les entreprises ont la possibilité de mettre en œuvre des forfaits mobilité durable. Ces derniers sont destinés à rendre les trajets des salariés en covoiturage totalement gratuits pour ces derniers. « Autrement dit, a continué Olivier, la loi encourage les entreprises à prendre en charge le covoiturage de leurs salariés. De manière totalement défiscalisée, de la même façon que pour un ticket restaurant. En tant qu’employeur, cela me permet de donner à mes collaborateurs 1€ de covoiturage, qui va me coûter 1€ tout rond. Alors que, si je vous donnais 1€ supplémentaire de salaire net, cela me coûterait 2€ en intégrant les charges ». Ainsi, l’AP-HP Hôpitaux de Paris, Airbus, Safran ou encore le Crédit Agricole travaillent avec Karos afin de proposer de tels forfaits mobilité durable à leurs salariés.
Le court-voiturage inclus dans votre carte de transports !
Des sociétés telles que Karos se retrouvent alors au cœur d’initiatives politiques encourageant les personnes à covoiturer ou à opter pour des solutions de transport plus favorables à l’environnement. Selon Olivier, « le court-voiturage est désormais intégré à l’offre de transports publics de certaines métropoles. Il est donc accessible via votre carte de transports. Les collectivités territoriales rémunèrent directement les sociétés de court-voiturage, au même titre que la RATP ou la SNCF. Car elles les considèrent comme des opérateurs de transports travaillant pour la puissance publique, à part entière ».
Pour l’usager : le court-voiturage, mode d’emploi
Du point de vue des usagers, l’appli Karos permet de faire se rencontrer une offre et une demande de court-voiturage. Elle rend ce dernier aussi simple, fiable et flexible que les transports publics traditionnels. Comme nous l’a précisé Olivier, « nous avons créé un assistant intelligent. Ainsi, quand vous téléchargez Karos, vous nous donnez votre consentement au titre du RGPD. Car nous allons récupérer un grand nombre de données personnelles de géolocalisation. En effet, nous avons besoin de comprendre quelles sont vos habitudes de mobilité. À partir de là, nous sommes en mesure d’anticiper tous vos trajets et de vous proposer des solutions prédictives. Si vos trajets changent pour la journée considérée, vous pouvez nous l’indiquer manuellement. Cela permet à nos utilisateurs de s’y prendre à la dernière minute (beaucoup réservent moins d’une heure avant le départ) et aussi de court-voiturer en moyenne avec cinq personnes différentes chaque mois ». Le phénomène de dépendance que l’on aurait pu craindre par rapport à un court-voitureur habituel disparaît par conséquent.
Olivier a poursuivi : « notre application respecte la confidentialité du domicile de chacun en indiquant aux deux parties un point de rendez-vous optimisé. Ce dernier limite le détour pour le conducteur. Il limite également le déplacement du passager en fixant un point de rencontre à moins de dix minutes à pied de son domicile ».
Les avantages pour les court-voiturés sont donc de trois ordres : gains de pouvoir d’achat (97 € économisés chaque mois) ; gain de temps, notamment en jouant sur les trajets intermodaux mixant voiture et transports en commun ; et enfin, une plus grande convivialité, car les personnes nouent des liens d’amitié pendant leurs trajets en court-voiturage.
Le développement de Karos en France et à l’étranger
À ce stade, Olivier focalise ses efforts de développement sur le court-voiturage exclusivement. « Parce qu’on est au tout début de l’histoire, a-t-il rappelé. Nous avons 400.000 utilisateurs, si bien qu’il nous reste encore plein de choses à faire ».
À ce stade, Karos est présent dans une quinzaine de régions et d’agglomérations françaises, ce qui représente à peu près 25% de la population française. La société a donc l’ambition de se développer partout en France. « Par ailleurs, a ajouté Olivier, nous avons effectué nos deux premiers déploiements à l’étranger, au Danemark et en Algérie ».
On est toujours plus forts à plusieurs !
Quand nous avons demandé à Olivier s’il avait une anecdote concernant le court-voiturage, il nous a dit qu’il pourrait nous parler des bébés Karos qui ont déjà vu le jour. « Mais c’est sans doute déjà vu », a-t-il anticipé. Avant d’ajouter : « nous avons eu vent d’une anecdote plus originale qui démontre qu’on est toujours plus forts à plusieurs que tout seul. »
Olivier a poursuivi : « Il y a une radio, WIT FM, qui émet dans la région de Bordeaux. Elle organise un jeu de blind test en proposant de rappeler ses auditeurs par surprise. Deux court-voitureuses tout excitées nous ont rapporté la semaine dernière qu’elles avaient gagné le blind test de WIT FM. L’une des deux femmes a été rappelée par la radio. Or, elle n’a pu répondre à la question qui lui a été posée, que parce que sa court-voiturée lui a soufflé la bonne réponse. Elles ont donc gagné le jeu-concours, même si cette méthode n’est sans doute pas complètement orthodoxe ! » Pour les trajets en voiture, il vaut donc mieux être à plusieurs, pour l’environnement, le pouvoir d’achat, et bien d’autres raisons encore…
Et vous, comment vous rendez-vous à votre travail ? Faites-nous part de votre expérience de transport au quotidien dans la section des commentaires !
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