La virginité et sa vision sont en constante évolution. Reflet indirect de nos sociétés, il est surtout celui des femmes et de leur place dans l’histoire des sociétés. Qu’en dire ? Nous nous sommes penchés sur le culte de la virginité pour essayer de l’expliquer et d’en découdre le mythe qui l’entoure.
Qu’est-ce que la virginité ?
On peut donner comme définition de la virginité un concept relatif à une personne n’ayant jamais eu de relations sexuelles. En effet, biologiquement, la virginité n’existe pas. Cependant, pour beaucoup, elle signifie la rupture de l’hymen lors de la première pénétration. Cette fine membrane obstrue l’entrée du vagin. Or, elle est très délicate et se rompt plus aisément qu’on ne le pense. La pratique régulière de certaines activités physiques sont l’un de ces motifs. Ainsi, la virginité n’existe pas à l’état de nature.
Il s’agit alors d’un principe religieux, social, culturel. On retrouve cette notion jusque dans le nouveau testament où la mère de Jésus nous est présenté comme la Sainte Vierge. Un idéal féminin à atteindre donc. Acte patriarcal, il se veut surtout contrôler la femme pour mieux la dominer. Ainsi, autrefois plus qu’aujourd’hui (en France et en majorité), une jeune fille se devait d’être « vierge » pour pouvoir se marier et espérer un bon mariage.
La figure de la femme fragile et soumise
Ne pas connaître un autre homme avant le mariage renforce l’idée d’une femme inexpérimentée et donc plus vulnérable. Cette virginité sacrée véhicule cette opposition de la « femme enfant » face à un homme viril. Effectivement, on estime toujours que c’est l’homme qui fait la femme. Elle quitte l’état de « l’enfance » pour devenir une adulte apte à la reproduction.
On pourrait donner comme exemple les films 50 nuances de Grey, véhiculant ce cliché. Anastasia est une jeune femme innocente et naïve avant de rencontrer Christian, mâle intimidant et dominant. Elle acquière sa condition de femme épanouie parce que offre sa virginité à Christian qui lui a une vie sexuelle depuis longtemps. On retrouve ainsi cette dialectique de la proie et du prédateur, empreint du culte de la virginité. La femme et l’homme, jamais sur un même pied d’égalité.
Une pression s’exerce autour de la virginité. Elle doit être perdue (acceptation dans l’âge adulte, appartenance dans un groupe d’amis…) ou préservée (raisons religieuses, pression familiale…) et repose une grande pression sur les épaules de la femme. La figure de la femme est très entourée de ce mythe de tentatrice depuis Ève, la pècheresse originelle. Et cela quoi qu’elle décide. L’homme peut également en ressentir une. Le statut de vierge est une honte puisque renierait sa masculinité. Schéma toxique donc pour chacun.
Cependant, cette tension est plus forte chez la femme. Un homme, on le croit sur parole. Pour une femme, il existe un éventuel moyen de le vérifier. De ce fait, cela permet d’asservir la femme. Elle peut alors ressentir la culpabilité d’une vie sexuelle riche et épanouie ou lieu de s’offrir à un seul homme. Qui lui ne se verra rien redire. Ainsi, durant longtemps, pour contrôler la sexualité des femmes, on préféra les tenir dans l’ignorance, clef de la domination patriarcale.
Le culte de la virginité : une vision fermée d’esprit
L’idée de la virginité renvoie à un couple hétérosexuel puisque liée à la pénétration vaginale par un sexe masculin. Or, cette vision est binaire et archaïque. La communauté LQBTQIA+ prouve que la sexualité a de multiples visages et que ce qui pourrait définir la perte de la virginité ce n’est pas la pénétration mais le premier rapport sexuel tel qu’il soit.
Mais préserver sa virginité aurait un but. Du moins, l’a eu durant des siècles. En effet, en attendant le mariage, la femme assurait la filiation directe du mari. Sans enfant hors mariage, illégitime, elle préservait la lignée. Il ne faut pas oublier que le rôle social de la femme fut, jusqu’il y a peu, de donner une descendance. Telle était sa préoccupation majeure. En faisant des enfant, elle prolongeait la famille de son époux et perpétuer la société. C’était son droit et son devoir.
Néanmoins, derrière cette idée de pureté, la femme est alors considérée comme l’inférieure de l’homme. Parce que sa sexualité va la définir. Au siècle des luttes pour l’égalité, elle demeure assujettie à l’homme : elle a besoin de lui de pour devenir une femme adulte. Cette vision obscure discrimine bien plus qu’il n’y parait. En effet, si une femme reste vierge trop longtemps, elle est jugée comme atteinte pathologiquement et est aussi mal perçue que les filles ayant des relations sexuelles consenties jeunes.
Vers une émancipation ?
Dès le XXème siècle, des voix s’élèvent. Elles remettent en cause les idéaux phallocrates qui assouvissent les femmes aux hommes. Ces revendications arrivent en parallèle de l’éducation sentimentale et sexuelle plus importante chez les jeunes. Elle font surtout bloc aux épidémies de syphilis, que leurs maris attrapent au bordel, aux jeunes filles qui se voient mariées à treize ans et donc de ces viols légaux qu’elles subissent (ces pratiques existent toujours partout dans le monde).
Les années 1970 marquent le début de la libération sexuelle notamment avec la loi Simone Veil de 1975 qui rend l’avortement légal et encadré. La vision de la virginité change alors. La femme a le choix. Maîtresse d’elle-même, elle a le droit de vivre la sexualité, ou sa non-sexualité, qu’elle veut, comme elle l’entend. Les mentalités évoluent, les esprits sont plus ouverts. La relation à la virginité est différent pour chacune et vécue différemment par toutes. Elle est féministe !
Mais il nous faut nuancer ces propos. De nombreuses disparités existent. Elle sont internationales (certaines femmes se font recoudre les lèvres du vagin pour prétendre à la virginité, sous la pression familiale), européennes (on observe de nombreux mariages forcées notamment en Europe de l’Est entre des enfants et des hommes plus âgés) ou encore religieuses (c’est le cas pour la religion musulmane qui voit le sexe avant le mariage comme un pêcher, tout comme la religion catholique). Elle est toujours vue comme une protection contre les maladies sexuellement transmissibles (MST) ou les grossesses non-désirés pour certains. Cette non-information reflète toujours cette pression autour de la virginité.
Le culte de la virginité est donc un symbole toujours fort. Enchaînée aux principes patriarcaux, sa reprise par les femmes, qui se lèvent contre une oppression, elle dérange encore les hommes, car les femmes s’en servent désormais pour revendiquer leur liberté. Elle demeure néanmoins un objet de contrôle et qui nous fait apparaître les combats à mener.