Aujourd’hui, nous rencontrons Gérard Tixier, psychiatre, psychanalyste, sexothérapeute, thérapeute de couple et écrivain. Auteur de plusieurs ouvrages (Les abus affectifs, 50 récits de la folie ordinaire, Les paranos…) il évoque ici l’hypersexualité.
C’est dans un cabinet parisien, à quelques mètres de Bastille que j’interroge Gérard Tixier. Le sujet du jour : l’hypersexualité.
L’hypersexualité ou addiction au sexe, longtemps confondue avec la nymphomanie (terme utilisé pour les femmes à l’époque où une femme qui aime le sexe était considérée comme dépravée) englobe à la fois la sexualité de la femme et celle de l’homme. Elle est l’idée d’une sexualité compulsive, obsessionnelle, qui dans certains cas peut amener une souffrance psychologique. Une souffrance pour soi et pour l’entourage. Cela se traduit par une recherche continue et persistante du plaisir sexuel.
Le Docteur Tixier s’explique à ce sujet : « La vraie addiction sexuelle peut comporter une addiction surtout chez les hommes via les supports visuels. Mais pour moi ce n’est pas de la sexualité. Cela concerne uniquement une excitation génitale exarcébée par les images.». Il est plus courant de parler d’addiction que d’hypersexualité et ce sont les hommes qui sont les plus touchés : 3 et 6% de la population sexuellement active, et 80% d’entre eux seraient des hommes (étude menée pr le Dr Thibault, de l’Inserm, 2010).
Aussi, l’addiction sexuelle est la même addiction que celle de la cigarette ou de l’alcool. Cela nous soulage pendant un temps puis l’anxiété revient. Ainsi, il est important de préciser qu’on parle de maladie si cela amène une souffrance. En effet, il est possible que certains dépendants sexuels se sentent inconfortables vis à vis d’eux-même et de la société. La sexualité devient leur monde et se résume à leur unique pensée.
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Parfois, c’est le besoin de combler un manque affectif, de se sentir aimé qui pousse l’hypersexuel à vouloir être en fusion avec quelqu’un. D’autres fois, l’homme ou la femme a recours à la masturbation. Certaines personnes peuvent aussi aller vers des prostituées, des escorts, fréquenter des clubs de strip-tease… Comme l’un des patients du Dr Tixier : « Il s’est fait prendre en flagrant délit d’exhibitionnisme, de voyeurisme. Puis, il est aussi allé voir des prostituées. Cet homme fonctionne sur le mode image : vous montrez votre sexe à quelqu’un, mais c’est comme s’il n’y avait personne autour. Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous faites à l’autre. ».
Par ailleurs, la sexualité se révèle comme un soulagement : « La pratique ne suscite pas obligatoirement de la souffrance, cela peut être libératoire. ». Il s’agit de considérer chaque histoire comme unique, et de ne pas faire de généralité. Chacun ressent sa sexualité différemment et il n’existe pas de profil type.
L’hypersexualité n’est pas forcément synonyme de pathologie. En effet, une sexualité exacerbée peut être l’objet d’un bien-être et d’un bonheur, tandis que pour d’autres, elle peut être un vrai problème. Docteur Tixier nous raconte l’histoire d’un de ses patients « Un homme a souhaité être castré. Suite à une rupture amoureuse difficile, à chaque fois qu’il voyait une femme ou un homme, il voulait leur sauter dessus. C’est une volonté de passer à l’acte immédiate. ». Dans ce cas là, on parle bel et bien de pathologie, puisque il y’a une mise en danger : pas de frein, de contrôle à la sexualité.
La sexualité devient un ciel ouvert et cela sous n’importe quelle température. Pour comprendre ce trouble, il faut trouver d’où vient le manque. Si on est en face d’une réelle addiction, coït ou masturbatoire. Il faut aller dans un service d’addictologie où l’addiction sexuelle est connue et traitée. Ensuite, il s’agit de prendre en compte le trouble psychopathologique plus que le trouble purement sexuel. Il faut soulager sa souffrance psychique. Anxiolytiques, psychothérapie comportementale, séance d’hypnose eriksonnienne… la personne doit apprendre et maîtriser ses pulsions.
Cependant, la norme sexuelle n’existe pas : « il n’y a pas de norme pour une personne seule ou pour un couple. ». Un couple au même titre qu’une personne seule a sa propre fréquence sexuelle. La seule norme sexuelle qui existe est celle de la société et du point de vue des uns et des autres. La seule chose qui compte c’est que les deux partenaires aient les mêmes besoins et soient satisfaits.
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L’omniprésence des applications de rencontres, de la pornographie… fait grandir en nous l’idée que nous avons besoin du sexe et que le sexe c’est génial. Les applications compromettent le temps du désir, et nous amènent directement dans le temps de l’excitation et de la consommation. Plus besoin de rencontre, d’apprendre à connaître l’autre et ses envies. Tout est facile et en accéléré.
Aussi, de plus en plus de personnes affirment justement que la sexualité ne fait pas partie de leur quotidien et cela ne les intéresse pas. On parle alors d’asexualité.
Finalement, l’hypersexualité peut être dans certains cas, dangereuse et maladive. Si un individu se sent rongé par la sexualité et son envie permanente et obsessionnelle, il est conseillé d’aller voir un spécialiste : Sexothérapeute, service d’addictologie.. Cependant, personne ne sait mieux que vous ce dont vous avez besoin, vivre pleinement sa sexualité n’a rien d’anormal.