L’artiste Natalia Goncharova s’est imposée très tôt comme chef de file de l’avant-garde russe. Peintre, illustratrice, styliste, elle a d’abord vécu en Russie puis s’est installée en France. Goncharova est une artiste inclassable : fille d’un aristocrate, femme extravagante, peintre radicale et controversée. Le musée Tate Modern, bastion londonien de l’art moderne & contemporain, présente une rétrospective de sa production artistique. Voici le portrait de Natalia Goncharova en 5 qualificatifs !
Natalia Goncharova est née en Russie en 1881. Originaire de la province de Toula, à 200 km de Moscou, sa famille était composée d’aristocrates démunis qui ont fait fortune grâce au textile. Les œuvres de ses débuts s’inspirent des souvenirs de son enfance : le mode de vie rural et la confection des tissus. Tout au long de sa production artistique,
Goncharova a été fortement marquée par les couleurs et les motifs des costumes traditionnels, mais aussi par les icônes, très populaires en Russie. Cet héritage culturel est manifeste dès le début de la rétrospective avec l’exposition d’estampes populaires, de textiles aux couleurs vives et d’une tenue folklorique. L’influence de l’impressionnisme transparaît également dans ses premiers travaux.
Célèbre : la notoriété à 32 ans seulement
À vingt ans, Natalia Goncharova s’inscrit à l’École de peinture, de sculpture et d’architecture, à Moscou, où elle rencontre Mikhail Larionov, son compagnon de vie. Au début du XXe siècle, Moscou était l’un des meilleurs endroits au monde pour étudier et apprécier la peinture moderne européenne. Ainsi, en 1913, la plus importante galerie d’art de la ville, le Salon Mikhaïlova, accueille la première grande rétrospective consacrée à Goncharova, alors âgée de 32 ans.
Elle y présente près de 800 œuvres, comprenant dessins de mode, textiles, estampes, papiers peints ainsi que de monumentales peintures (dont les séries « Moisson » et « Vendanges »). Une salle du Tate Modern de Londres expose d’ailleurs des œuvres phares de sa rétrospective de 1913.
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Audacieuse : une personnalité extravagante et controversée
À cette époque, Natalia Goncharova se fait aussi remarquer par son style bohème. Elle parade dans les rues de Moscou le visage maquillé de peinture en portant des tenues extravagantes. Surtout, elle participe à la vie culturelle de son temps en se joignant à d’autres artistes pour promouvoir des idées novatrices. Mais ses partis pris artistiques parfois audacieux choquent. En effet, la peintre expose des nus féminins qui lui valent un procès pour pornographie (qu’elle remporte d’ailleurs).
En outre, en se réappropriant l’imagerie sacrée traditionnelle russe qu’elle mêle à un symbolisme païen, Goncharova suscite un débat. D’autant plus que la peinture d’icônes est exclusivement réservée aux hommes. Les autorités russes ont donc censuré à plusieurs reprises l’exposition de ses peintures religieuses, comme « Les Évangélistes ».
Visionnaire : une pionnière de l’abstraction à l’oeuvre protéiforme
Entre 1912-1913, ses peintures reflètent l’influence du cubisme mais aussi du futurisme, mouvement né en Italie d’artistes en rupture avec le passé célébrant la modernité. Elle invente avec Larionov le rayonisme, une approche abstraite de la peinture au travers de laquelle les formes sont capturées par des « rayons ».
De plus, la démarche artistique de Goncharova témoigne de son inventivité et de ses innombrables ressources. Son travail combine des techniques et des styles variés : la peinture, la lithographie, le stylisme, la conception théâtrale, la décoration intérieure, les illustrations de livres et la performance. Elle choisit des sujets aussi variés que les natures mortes, les nus, le monde rural, et se risque à peindre des scènes religieuses et des représentations de l’Apocalypse.
Parisienne d’adoption
Avec son compagnon Larionov, Goncharova quitte la Russie en juin 1915 pour se produire avec les Ballets Russes de Diaghliev en Europe. En effet, le couple a travaillé l’année précédente sur les costumes et les décors de l’opéra-ballet “Le Coq d’Or”. Cependant, la Révolution d’Octobre éclate en Russie en 1917 et la Grande Guerre se prolonge. Goncharova s’installe alors à Paris, dans un appartement qu’elle ne quittera plus jusqu’à la fin de ses jours. À Paris, elle continue de dessiner des costumes pour des ballets et des tenues de mode.
De plus, elle conçoit des décors pour des intérieurs, réalise des illustrations de livres et des affiches. Une grande partie de son travail est consacrée au théâtre, que présente la dernière partie de la rétrospective au Tate Modern. Natalia Goncharova décède à Paris en 1962, à l’âge de 81 ans, bien après que sa Russie natale ait disparu avec l’avènement du communisme.
Pour voir la rétrospective de l’oeuvre de Natalia Goncharova, rendez-vous au musée Tate Modern de Londres, jusqu’au 8 septembre 2019.
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