Emily Blaine : portrait de la reine de la romance à la française

Emily Blaine romance Harlequin

Vous pensiez que la romance était un genre réservé aux seules autrices anglo-saxonnes ? Oubliez Danielle Steel, Jackie Collins ou Anna Todd ! La France possède également ses romancières populaires. Après Anne Golon à l’origine de la série des Angélique dans les années d’après-guerre, nous avons à présent Emily Blaine. D’origine bretonne, cette autrice est la reine incontestée de la romance à la française, avec plus de 700.000 livres vendus ! Découverte par les éditions Harlequin en 2013, Emily a accepté de nous rencontrer pour nous parler de son travail et de sa vision toute personnelle de la romance… à la française : moins érotique, plus psychologique !

Article rédigé par : ZIEL Jérôme

Emily Blaine a l’air d’une femme ‘normale’. À 40 ans, elle a deux enfants et en attend un troisième. D’un naturel optimiste et joyeux, elle a le sens de l’humour. Travaillant à la SNCF, elle s’occupe notamment de rechercher des alternatives de carrière pour des salariés rencontrant des difficultés. Pourtant, elle mène une double vie d’employée le jour et d’écrivaine le soir. Seuls ses collègues les plus proches sont au courant. « Car je ne fais pas étalage de cette situation, nous dit-elle. Certaines personnes viennent parfois me voir pour que je leur dédicace un livre. Par ailleurs, quand je dois quitter une réunion en disant que j’ai rendez-vous avec mon éditrice, cela fait rire tout le monde. Mais cela s’arrête là ».

Ayant toujours eu du mal avec les maths et la physique, Emily a suivi une formation littéraire. Mais elle n’a jamais pris de cours d’écriture créative. « Je suis très intuitive et instinctive, explique-t-elle. J’écris les scènes comme elles me viennent. Très souvent, les gens qui me connaissent bien, quand ils ont lu mes livres, me disent que j’écris comme je m’exprime ».

Emily Blaine romance Harlequin
Emily Blaine (c) Melania Avanzat

Dear You : comment tout a commencé

Parmi ses auteurs préférés, Emily cite Douglas Kennedy « car il écrit toujours ses romans autour de personnages féminins beaux et complexes ». Selon Emily, il est l’un des rares auteurs masculins qui sachent écrire sur les femmes. Il les fait parler avec un naturel déconcertant. Dans un autre style, Emily apprécie également Gilles Legardinier, qui la fait beaucoup rire. Ou encore Agatha Christie, qui a bercé toute son adolescence. Paradoxalement, Emily lit très peu de romances, quelques titres durant l’été pour se tenir au courant des autrices en vogue, et cela s’arrête là.

Il y a une quinzaine d’années, Emily s’est lancée dans l’écriture par simple envie personnelle, sans forcément chercher à se faire publier : c’est ainsi que Dear You, son best-seller, est né. « J’ai pu l’éditer en 2014 après ma participation à un concours », se rappelle-t-elle. « J’étais à mille lieues de penser que j’avais la moindre chance. Pourtant, j’ai fait partie des autrices sélectionnées ».

« À l’issue de ce concours, poursuit-elle, Harlequin m’a demandé si j’avais d’autres textes. J’avais Dear You en réserve, même s’il ne répondait pas aux normes littéraires de la romance, puisqu’il est hyper long, copieux et lourd. Persuadée que Dear You serait rejeté, quelle n’a pas été ma surprise quand l’éditrice m’a rappelée pour me dire qu’elle achetait mon texte ».

Entre romance et littérature ‘feel good’

Emily tire son inspiration de films, de documentaires ou d’articles. Tout se passe au niveau de son inconscient et les idées peuvent resurgir plusieurs mois après. Si Emily n’a aucun problème à se définir comme une autrice de romance, elle insiste sur l’aspect ‘feel good’ de ses livres aussi. La littérature qu’elle produit a ainsi des vertus thérapeutiques.

En conséquence, le visuel de ses couvertures n’est pas typique de celui de romances classiques. Selon elle, « voir des beaux hommes torse nu sur les couvertures de mes livres me dérangerait, pour être tout à fait franche. En effet, cela ne correspond pas à l’atmosphère de mes romans. Cela reviendrait à induire la lectrice en erreur. En effet, je ne charge pas mes livres en scènes érotiques. Je ne suis même pas à l’aise quand je dois en écrire une ».

Plus que de la romance

Pour Emily, la romance n’est qu’un prétexte pour mettre en avant une histoire rattachée à une question de société qui lui paraît importante. Sa littérature se distingue ainsi des romans centrés exclusivement sur une histoire d’amour. Comme elle le dit, « cela peut convenir à certains auteurs. Moi, ça m’ennuie assez vite, j’ai besoin de creuser la psychologie de mes personnages. Je ne fais pas pour autant de romans psychologiques. Simplement, je m’en sers comme d’un fil conducteur ».

Emily considère la romance comme « un miroir de la société, reflétant ses évolutions. Il y a d’abord eu le couple homme-femme, puis la femme célibataire avec ses enfants. Puis l’homme célibataire, avant les familles recomposées, puis enfin dernièrement les couples homosexuels. La romance se doit d’évoluer avec son temps ».

Aux jeunes auteurs et autrices, Emily conseille de se détourner des modes et de se montrer sincères dans ce qu’ils disent. Selon elle, « si vous ne savez pas défendre votre roman, si vous n’êtes pas en mesure de l’expliquer, le public considérera que vous aurez manqué de sincérité. Il finira alors par vous désavouer ».

Romance : Emily Blaine construit ses histoires

Une fois qu’Emily tient son idée, elle brode son histoire autour de cette thématique. Comme elle l’explique : « je fais le synopsis assez vite. Par la suite, je suis un peu lente à écrire les quatre ou cinq premiers chapitres. Une fois passée l’étape de démarrage, j’écris rapidement, sans plan ni calendrier. J’ai simplement en tête la date à laquelle mon éditrice attend le manuscrit ».

Emily écrit le soir, sur son ordinateur. En général, elle préfère écrire des scènes entières, dans lesquelles elle prévoit qu’il doit se passer tel évènement ou se dire telle chose. Les dialogues sont les plus faciles à écrire, car ils sont généralement enlevés. Pour les scènes plus complexes ou alors les scènes de sexe, elle met plus de temps.

Elle boucle ses manuscrits en trois à six mois généralement, en fonction des thématiques qu’elle aborde. « Typiquement, explique-t-elle, les romances de Noël s’écrivent très vite, dans la mesure où le décor est déjà planté. On sait qu’il y aura de la neige, des sapins, des cadeaux et que c’est Noël ! » Cependant, dès qu’elle s’attaque à des sujets plus graves, comme l’illettrisme ou la maladie, elle est amenée à se documenter, ce qui lui prend plus de temps.

Le cadre géographique : entre évasion et familiarité

Bretonne à l’origine, Emily réside désormais en Île-de-France. Comme elle se le rappelle, « quand j’ai commencé à écrire, il y a une quinzaine d’années, je pensais déjà que le cadre géographique de mes histoires n’avait pas un intérêt majeur. Il servait uniquement à provoquer chez la lectrice un sentiment d’évasion, ce qui était important pour moi aussi en tant qu’autrice. Je cherchais à travers mes romans à m’échapper de mon quotidien : le métro, la foule, le bruit, etc. Situer mes histoires à l’autre bout du monde permettait aussi de stimuler mon imagination ».

Il y a quelques années, son éditrice lui a cependant suggéré d’écrire une histoire se passant en France. « Je me suis donc prêtée au jeu, tout en réalisant que le cadre n’était pas très important. Ainsi, l’histoire de La Crêperie des petits miracles, située à Saint-Malo, ou bien celle de La Librairie des rêves suspendus, se passant en Charente, pourraient très bien avoir lieu n’importe où. Peut-être que ma prochaine histoire se situera d’ailleurs en Floride, parce que cela me fera plaisir ».

Emily pense que le public est également partagé entre une envie d’évasion, d’une part, et une envie de retrouver des lieux, une culture et des personnages familiers, d’autre part. Elle essaie par conséquent de varier les lieux de ses intrigues pour satisfaire les attentes des lecteurs.

Emily Blaine romance Harlequin
(c) Harlequin, octobre 2021

Emily Blaine : un lien fort avec ses lectrices… et leurs conjoints !

Bien qu’elle soit lue par quelques hommes, Emily est consciente d’être suivie par un public très majoritairement féminin (98 % de ses lecteurs sont des lectrices). Elle s’en rend plus que jamais compte quand elle va à leur rencontre à l’occasion de salons du livre. Elle est alors particulièrement touchée de voir les conjoints accompagner patiemment leurs compagnes, leur offrant des livres ou encore prenant des photos souvenirs… même s’ils ne lisent pas ses livres eux-mêmes. « Néanmoins, ils ont compris que c’était très important pour leur compagne et c’est pour cela qu’ils les accompagnent et les soutiennent, malgré l’attente ou la distance. Ils font cela simplement pour faire plaisir à leur femme, et cela me touche. Je prends toujours soin dans ma dédicace d’avoir un mot gentil pour eux ».

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