C’était avant le numérique… Vous souvenez-vous des fascicules Arnaud ? Les élèves créatifs, soucieux d’égayer leurs cahiers d’histoire ou de géographie pouvaient y trouver des photos illustrant le point qu’ils venaient d’approfondir avec leur prof ! Quant aux professionnels (journalistes, publicitaires, communicants) à la recherche eux-aussi d’illustrations, ils avaient la possibilité de se tourner vers des agences photographiques, telles que Magnum (fondée en 1947 par Cartier-Bresson), Gamma (1966), Sipa Press (1973) ou Sygma (1973) qui ont connu leur heure de gloire dans la deuxième moitié du 20e siècle, à l’apogée de la photographie argentique. Depuis l’avènement du numérique, les banques d’images en ligne les ont remplacées en s’adressant aussi bien aux particuliers qu’aux professionnels à la recherche d’illustrations pour assurer le succès de leur contenu.
Une banque d’images rassemble des milliers, voire des millions de photos/illustrations s’adressant à tout type de clientèle : entreprises, journalistes, administrations, artistes ou particuliers. Elles servent à illustrer les magazines, journaux, brochures, sites Internet, packagings, quels que soient leurs formats : papier ou numérique.
Les banques d’images sont le point de rencontre entre une offre proposée par les photographes et une demande émanant des professionnels et du public. Elles gèrent la rémunération des créateurs de contenu en faisant valoir leur droit d’auteur. Elles permettent à leurs clients d’avoir accès à un large catalogue de photos sans qu’ils n’aient besoin de louer directement les services d’un photographe.
L’innovation apportée par les licences Creative Commons
Les banques d’images se sont développées en rompant avec les usages traditionnels attachés au copyright. Ainsi, il n’est plus nécessaire pour l’utilisateur final de verser un droit d’auteur directement au créateur.
Les banques d’images en ligne fonctionnent désormais selon le principe des licences Creative Commons. Ces dernières visent à encourager la diffusion des œuvres à grande échelle selon des conditions minimales à respecter. L’une de ces conditions consiste à veiller à bien en citer les auteurs. L’usager n’a donc plus besoin de verser de royalties au photographe.
Banques d’images en ligne : rémunération contre gratuité
À la place, les banques d’images en ligne les plus connues (AdobeStock, Shutterstock, iStock par Getty Images) demandent à leurs clients de s’acquitter d’un abonnement mensuel, qui leur permet de rémunérer les créateurs professionnels auxquels elles font appel pour alimenter leur fonds d’images qualitatives, en fonction du nombre de téléchargements. Elles fonctionnent un peu comme les plateformes de streaming musical, type Deezer ou Spotify, qui rémunèrent les musiciens en fonction du nombre d’écoutes de leurs morceaux.
Face à ces acteurs établis, un nouveau type de banques d’images en ligne gratuites cherche à s’imposer depuis le milieu des années 2010. Elles proposent des images entièrement gratuites largement réutilisables à destination des particuliers ou des petites entreprises qui veulent illustrer leur blog / site Internet à coût zéro.
Trois facteurs du succès remporté par les banques d’images en ligne gratuites
Premièrement, la qualité des prises de vue avec de simples smartphones a considérablement augmenté. De jeunes photographes débutants cherchant à se faire connaître ont vu s’ouvrir devant eux un monde d’opportunités. Ainsi, ils comptent sur le nombre de likes glané par leurs œuvres sur les réseaux sociaux pour accroître leur réputation. Constatant l’exposition ainsi démultipliée de leur travail, ils cèdent volontiers leurs droits d’auteur aux banques d’images en lignes gratuites, utilisant ces dernières comme un tremplin pour leurs carrières.
Deuxièmement, les photos gratuitement mises à disposition par les banques en ligne représentent une aubaine pour la clientèle. Les professionnels du marketing, les blogueurs, les concepteurs de sites Internet ou de matériaux d’enseignement en ligne peuvent ainsi facilement trouver des images pour rendre leur contenu plus attrayant et augmenter leur trafic.
Troisièmement, le développement des banques d’images en ligne gratuites fait écho au développement de la blogosphère « professionnalisée » grâce aux outils de type WordPress. WordPress et les banques gratuites répondent à la même philosophie de l’open source consistant à mettre à disposition du grand public gratuitement des outils de création et d’expression sur Internet (blogs, sites de niveau professionnel).
À lire aussi : Un hobby sur Internet peut-il vous faire gagner de l’argent?
Croissance exponentielle des banques d’images en ligne gratuites
Elles sont désormais plusieurs dizaines à se disputer les faveurs des photographes et des blogueurs. Sans inscription, totalement gratuites, elles se présentent à peu près toutes de la même façon. Leur page d’accueil propose d’emblée un moteur de recherche interne d’images par mots-clés. Parmi les plus connues d’entre elles, nous pouvons citer :
Unsplash (littéralement : « sois sobre »)
C’est le nom qui revient le plus souvent parmi les banques gratuites. Fondée en 2013 par Mikael Cho à Montréal, Unsplash regroupe désormais plus d’un million de photos haute-résolution, traitées au filtre « pastel » pour en faciliter l’insertion sur des sites de type WordPress. Les thèmes des images concernent le monde du travail et des affaires, l’architecture ou encore les paysages naturels.
Kaboom Pics
Créée en 2014 par Karolina Grabowska à Lodz (Pologne), elle-même photographe, Kaboom Pics (17 500 images pour l’instant) donne la possibilité de choisir son image par dominante de couleur afin d’assurer la cohérence picturale de sa page web. Elle est spécialisée dans les images lifestyle ou encore les intérieurs design.
Burst
Créée en 2017, Burst regroupe plusieurs milliers de photos, illustrant les modes de vie urbains, en mettant l’accent sur l’inclusion et la diversité. Elle se positionne comme une plateforme collaborative invitant les photographes amateurs à proposer leurs créations pour enrichir son fonds.
Pexels
Créée en 2014 par Bruno et Ingo Joseph à Berlin, Pexels se distingue par l’esthétique arty de ses images, parmi lesquelles on trouve de nombreux portraits en noir et blanc ou monochromatiques d’individus, de couples notamment LGBT, ou alors de groupes.
Picjumbo
Picjumbo, créée en 2013 par le photographe tchèque Viktor Hanacek, se spécialise dans une esthétique Instagram par l’application de filtres « pastélisants ». Les photos qu’elle propose possèdent d’indéniables qualités esthétiques, avec des prises de vue sous des angles originaux.
StockSnap
Fondée par le Canadien Christopher Gimmer en 2015, StockSnap propose des photos préparamétrées pour insertion sur des sites WordPress (couleurs pâles, thématiques consensuelles). Elle se distingue par la richesse de son fonds centré sur des thèmes abstraits, tels que la technologie ou encore le monde des affaires.
Convergence entre le gratuit et le payant
L’opposition entre les deux types de banques d’images en ligne, gratuites d’une part, payantes d’autre part, est moins marquée qu’il n’y paraît. En effet, on constate un rapprochement entre la logique réputationnelle des banques d’images gratuites et la logique de rémunération par les banques d’images payantes de leurs fonds ultra qualitatifs. D’une part, ces dernières proposent désormais des prestations gratuites, telles que la gratuité des premières photos téléchargées. D’autre part, les banques d’images gratuites ont besoin de fonds pour continuer de croître. Elles mettent donc en place des stratégies de monétisation de leur contenu premium ou font appel à la publicité ou à des partenariats.
Chères lectrices, seriez-vous prêtes à sauter le pas et à payer pour acquérir des images premium, uniques parmi un large catalogue parfaitement référencé ? Ou alors, seriez-vous satisfaites de ce que vous pouvez trouver parmi les banques en ligne gratuites ? Certes, ces dernières proposent un choix plus limité d’images à usage non exclusif. Toutefois, leur qualité est parfois surprenante. Enfin, l’argument de la gratuité est difficile à ignorer.