Alexia Cassar est la première française à avoir ouvert un salon de tatouage dédié à la reconstruction mammaire à la suite d’un cancer. The Tétons Tattoo Shop a déjà permis à plusieurs centaines de femmes et d’hommes de se réapproprier leur corps après la maladie.
Lorsque sa plus jeune fille âgée de 10 mois est touchée par une leucémie, tout bascule. Alexia, alors biologiste de formation, abandonne la recherche clinique en oncologie pour le tatouage 3D. Pendant plus d’un an, elle apprend le métier de tatoueur. Elle part aux États-Unis pour se former à cette technique artistique de reconstruction mammaire. Une technique bien précise développée par le tatoueur Vinnie Myers aux États-Unis mais qui peine à s’imposer en France.
« J’ai cherché partout pour savoir où je pourrais apprendre cette technique et ai constaté qu’elle n’était pas encore développée en France […] Une amie m’a envoyé un article sur une tatoueuse canadienne (Stacie-Rae Weir) qui faisait du tatouage 3D […] Je l’ai contactée et me suis inscrite à la session de janvier dès l’ouverture du créneau. »
raconte t-elle sur son site.
Alexia veut aller plus loin, elle a pour ambition d’ouvrir le premier salon de tatouage 3D dédié à la reconstruction mammaire en France. Au printemps 2017, elle lance alors un appel aux dons sur KissKissBankBank : The Tétons Tattoo Project. 6 mois plus tard, son rêve devient réalité ! Elle ouvre enfin les portes du salon The Tétons Tattoo Shop, qu’elle a conçu comme un cocon douillet. Il est d’ailleurs installé au coeur de son propre jardin à Marly-la-ville (dans le Val d’Oise).
L’aventure ne s’arrête pas là puisqu’en mars 2019 un nouveau salon a ouvert ses portes à Nice. L’état d’esprit est toujours le même : aider les personnes à se reconstruire après un cancer du sein.
Dermopigmentation médicale et tatouage 3D, deux techniques pour reconstruire les tétons
À la suite à une mastectomie, deux techniques principales permettent de redessiner un téton : la dermopigmentation médicale et le tatouage en 3D.
La dermopigmentation
La dermopigmentation est pratiquée par un médecin ou un personnel paramédical formé et encadré par un médecin. Cette technique consiste à redessiner la plaque aréolomamelonnaire à l’aide de pigments médicaux. Mais ces derniers ont tendance à s’estomper avec le temps et il faut prévoir des retouches régulièrement. Néanmoins, l’assurance prend en charge la dermopigmentation à 100%.
Le tatouage 3D
La technique du tatouage 3D est réalisée par un.e tatoueur.se dans son salon. Les encres utilisées sont connues pour être durables dans le temps. Les retouches sont donc moins importantes que pour la dermopigmentation. Le rendu final se veut le plus proche de la réalité, l’artiste joue alors sur le trompe-l’oeil. Les volumes, les jeux d’ombres et le mélange des couleurs sont également travaillés. Le résultat est bluffant ! Cependant, le tatouage 3D ne donne pas droit à un remboursement public. Certaines mutuelles et associations de patient.e.s peuvent néanmoins contribuer à cette dépense.
« Les pigments médicaux ou esthétiques sont semi-permanents. C’est ce qui est utilisé pour tatouer les sourcils et le contour des lèvres. Cela nécessite des retouches a minima tous les ans ou tous les deux ans. Ce qui devient handicapant pour les malades puisque, dès que la couleur disparaît, la maladie fait son retour dans leur esprit. Et surtout, cela peut abîmer irrémédiablement les tissus puisqu’on tatoue des peaux qui ont subi de la radiothérapie et de la chirurgie. »
explique Alexia Cassar au journal Sud Ouest.
De la réappropriation du sein reconstruit vers l’acceptation de son image
À travers ces tatouages en forme de tétons, Alexia espère permettre à ses client.e.s de faire la paix avec le miroir. Une aide non négligeable qui amène à se reconstruire autant physiquement, avec le tatouage, que mentalement grâce à l’écoute et l’empathie de la tatoueuse. Cette technique de reconstruction mammaire doit être apprise et non proposée en autodidacte dans n’importe quel salon de tatouage.
« Nous sommes face à des gens qui ont déjà été mutilés plusieurs fois. Il est hors de question de leur faire courir un risque supplémentaire. »
souligne Alexia au journal Sud Ouest.
La tatoueuse décrit son salon comme un lieu dédié « à la restauration de l’estime de soi et de l’image corporelle après un cancer du sein. » Elle y accueille des femmes brisées par la maladie et bien souvent seules pour affronter l’après-cancer. Reprendre confiance en elles, pour ces femmes, est une phase extrêmement importante et Alexia refuse de la bâcler. La reconstruction du mamelon reste quelque chose d’essentiel vers l’acceptation de ce nouveau reflet dans le miroir.
« On peut penser que ce geste est futile, mais il est essentiel. Ce n’est pas qu’un détail. C’est la dernière étape et elle est cruciale. Une femme seule devant son miroir le matin avec son sein incomplet ou qui ne lui plaît pas ne peut pas se sentir pleinement reconstruite. Une fois le tatouage réalisé, elles peuvent enfin détourner leur attention de cette zone et prendre soin de tout ce qu’il y a autour. »
confie-t-elle au magazine Terrafemina.
Il n’y a que 20 à 30% des femmes subissant une mastectomie qui font le choix d’une reconstruction mammaire par le tatouage 3D. Alexia continue de s’investir autant que possible dans son salon. Elle sensibilise également le corps médical à l’importance de la reconstruction esthétique du mamelon.
À lire aussi : IBELIV : l’éthique au cœur de l’artisanat du raphia de Madagascar