Voici Salomé, elle a 18 ans, elle est étudiante et vit à Lille. À seulement 17 ans, Salomé est passée par une grande épreuve, l’avortement. Une période de sa vie qui n’a pas été facile, mais Salomé a décidé de briser la loi du silence en se confiant à Ô Magazine.
Ô Magazine : Bonjour Salomé, merci d’être avec nous et merci de nous accorder ce témoignage. Cet évènement s’est déroulé il y a 6 mois : racontez-nous, comment l’avez-vous vécu ?
Salomé : « Bonjour, merci à vous. Je venais d’entamer ma première année d’études, et je vivais plutôt mal mes premiers mois là-bas. J’étais loin de toute ma famille, de mes amis, qui eux étaient restés sur Lyon. Mais aussi, avec la crise sanitaire, je n’avais pas pu faire de rencontres je me sentais assez seule. Mais surtout, j’étais très fatiguée, je vomissais régulièrement, j’avais des douleurs aux seins, je n’avais plus mes règles. Parfois, pendant la nuit, je pensais à cette probabilité d’être enceinte. Mais je ne voulais pas y croire, je me confortais en vérifiant sur Internet s’il était normal de ne pas avoir ses règles, etc., et je me rassurais comme je pouvais. Pour moi, il était impensable que je puisse tomber enceinte : les enfants cela serait dans très longtemps. À l’instant présent, je ne voulais pas d’enfant. »
“J’ai en quelque sorte essayé de nier cette grossesse”
Ô : Comment avez-vous su ou fait le pas de savoir ?
S : « Déjà, à Lille, je suis entrée dans une pharmacie pour acheter un test de grossesse, mais j’en étais incapable, je n’en ai pas eu le courage. Car si le test était positif comment aurais-je fait ? J’étais seule et perdue ! Mais, pendant les vacances de la Toussaint, je suis retournée à Lyon. Je suis allée rendre visite à une amie et, alors que nous préparions à manger, j’ai eu un vertige. De là, mon amie m’a dit en rigolant : « Tu ne serais pas enceinte toi ? » Je l’ai regardée et je lui ai répondu : « Je ne sais pas. » C’était la première fois que je m’exprimais ouvertement sur de doute. Je me suis sentie mal mais mon amie ne m’a en aucun cas jugée et je lui ai tout raconté. De là, j’ai fait un test de grossesse avec elle le lendemain matin, et le résultat était trouble. Durant cette même matinée cependant, une infirmière est venue me faire un test Covid pour que je puisse aller chez mes grands-parents. Je lui ai parlé de ma crainte et elle m’a envoyée à l’hôpital d’urgence. Je pense que j’ai en quelque sorte essayé de nier cette grossesse. »
Ô : À l’hôpital, que s’est-il passé ? Comment avez-vous été prise en pris en charge ?
S : « Lorsque je suis arrivée à l’hôpital, j’ai intégré le service pédiatrie car j’étais mineure, on m’a prise en charge très rapidement. Les infirmières m’ont fait faire une échographie. Et à ce moment-là, tout à basculé. L’infirmière m’a dit : « Effectivement, vous êtes enceinte. » Ces mots, je m’en souviendrai toute ma vie. J’ai beaucoup pleuré, je n’arrivais pas à m’arrêter. Les infirmières m’ont beaucoup rassurée. Mais je n’arrivais pas à me consoler. La sage-femme m’a beaucoup rassurée. »
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“Cette décision n’est pas facile”
Ô : À ce moment, quelle décision vouliez-vous prendre ?
S : « À ce moment-là, ma décision était prise : je ne souhaitais pas garder cet embryon. Pour moi, c’était impensable. J’ai 17 ans, je n’ai pas d’argent et je n’en ai pas l’envie du tout. J’ai toujours dit, avant cet évènement, qu’il n’était pour l’instant pas question que j’aie des enfants, même plus tard. Mais cette décision n’a pas été facile car, éthiquement, je culpabilisais. »
Ô : Comment s’est passée la suite ?
S : « Par la suite, tous s’est déroulé très vite pour la simple raison que j’étais enceinte de 12 semaines et 3 jours. C’était l’alerte rouge, j’étais à 4 jours de ne plus pouvoir avorter, selon la législation française. Donc, j’ai été considérée comme un cas prioritaire. Le samedi, j’étais à l’hôpital. Le lundi, j’avais rendez-vous avec une psychologue spécialisée. Puis le lendemain, mardi, j’ai dû prendre un médicament en vue de l’avortement. Enfin, le mercredi, je me faisais opérer. Il s’est agi d’un avortement par curetage, opération par laquelle on décroche l’embryon avant de l’aspirer. »
“Mon frère était le seul à savoir “
Ô : Qui vous a accompagnée dans cette démarche ? Vos proches étaient-ils au courant ?
S : « Non. Mon frère et ma belle-sœur, sont les seules à le savoir dans la famille, je n’ai qu’un frère et nous sommes très proches, j’estimais qu’il devait savoir. J’appréhendais beaucoup sa réaction, c’est mon grand frère, il est protecteur. Ma belle-sœur le lui a annoncé avant puis il ne m’appelle le soir même. Il m’a rassurée, tout en me reprochant de ne pas avoir parlé de mes craintes avant, car on s’appelle régulièrement. Mais sinon, quatre de mes amies majeures m’ont accompagnée dans ma démarche. »
Ô : Pourquoi ne pas en avoir parlé à vos parents ?
S : « Mes parents sont divorcés et c’est une situation compliquée. Je préfère qu’ils ne soient pas au courant, car pour moi c’était vraiment une honte d’avorter. J’avais honte de cette situation. »
Ô : Comment avez-vous vécu cet évènement ?
S : « Sur le coup je n’ai pas trop réalisé, mais le jour J, oui j’ai compris. Je ne m’étais jamais faite opérer auparavant, c’était donc une première pour moi. Avant l’opération, j’ai pleuré, après, j’ai encore pleuré. Je ne contrôlais plus mes émotions. Pour autant, mes yeux étaient restés secs les jours précédant l’opération, tout comme pendant les jours qui ont suivi. J’ai pleuré à l’annonce du verdict de la sage-femme et au jour du curetage. Maintenant, avec le recul, je me dis simplement que j’ai eu de la chance car j’étais à trois jours de ne plus pouvoir avorter. Et ne pouvoir avorter n’était tout simplement pas envisageable pour moi. »