Miscellanées humanistes ou presque : une lecture décousue d’intelligence

Miscellanées humaniste ou presque

Discrètement, chez un petit éditeur qui évite de publier du tout-venant, est sorti en décembre, juste avant les fêtes, peut-être même après le black friday, un étrange d’essai : Miscellanées humanistes ou presque d’Alexandre Foucher, chez Bêta-Oblique. Un essai, mais pas que.

Rien que le titre intrique

Le titre intrigue. A part Robert (et encore, pas celui en 1 volume), personne ne comprend le premier mot. Le libraire est passé à côté de moi, volant à mon secours dans un geste de rangement de bouquins : « les miscellanées sont un mélange de textes, un recueil dont le point commun est ici l’auteur et une intention que le lecteur doit déterminer. » Hum… Pas facile de se retrouver nez à nez avec un jeu de piste métaphysique quand on est embourbée dans la cinquième vague de coronavirus. Rien que le titre m’annonçait que j’avais perdu l’habitude de penser.

C’est bien beau tout ça, mais l’auteur aurait pu étudier plus de marketing et moins de Nietzsche, car il a accepté que, dès le titre, le lecteur soit perdu. Le titre n’a aucune évidence ni aucun teasing : il n’annonce pas un amour torride ni une énième fin du monde inattendue. Je conclus de cet effet indésirable, que l’auteur ne veut pas être lu par tout le monde.

Et l’éditeur le confirme. Bêta-Oblique n’est pas connu des librairies de grande surface, et n’a pas la volonté de l’être. Son site web est à mi-chemin entre un brouillard d’espionnage en fin de guerre froide, et le générique d’une émission d’histoires vraies et intrigantes. Ça jette un mystère, c’est sûr, mais ça n’est pas un truc pour être lu par n’importe qui. Au contraire, c’est plutôt un filtre. Ce qui est publié est jugé comme devant l’être, et non pas pour vendre. Mais comme il m’en faut plus pour me laisser indifférente, je m’intrigue sur ce livre.

La quatrième de couverture laisse encore plus dans l’angoisse. Peut-être que ce livre n’est pour personne, ou alors pour des adeptes de secte au QI explosant les compteurs des jeux télévisés et des séries venues d’Europe de l’est.

Trop impossible pour être irréel. Il faut que cela fasse sens. Pas de raison que mon esprit normal n’y arrive pas. Quelques pages prises au hasard m’indiquent que j’arrive à lire (ouf !), à comprendre les phrases (rouf !), j’ai donc acheté ce livre.

L’étrange ou l’inattendue quatrième de couverture

Castration divine ou droit naturel moderne. Mégalithes ou recette de cuisine politique. Promenade au Louvre, dignité, vin ou esclavage. Fable cynique et métaphysique inachevée. Comme les pièces d’un étrange puzzle, des articles ou des conférences parviennent avec force à s’emboîter les uns avec les autres. Sur cette dizaine d’année de recherches éparpillées au hasard du réel, des thèmes ont été abordés à coups de poing, différentes méthodes d’analyses ont été jouées et pourtant, ainsi regroupés et mis en un tout, un schéma se dessine. Un leitmotiv apparaît doucement dans l’ombre. C’est ainsi l’humanité qui est toujours interrogée. Non pas pour ce qu’elle a de divin, mais bien plutôt pour ce qui la laisse basse, agressive, lâche ou méchante. Parfois philosophe de l’histoire, parfois philosophe de l’art, parfois faux moraliste, parfois rieur, le puzzle dessine, pièce par pièce, le portrait humaniste ou presque du sens du monde.

4e de couverture de Miscellanées humanistes ou presque

Miscellanées de lectures

Les chapitres s’égrainent. L’écriture est parfois précise, mais jamais précieuse. Facile à lire, rien d’insurmontable. L’auteur nous accompagne. Nous y apprenons tous quelque chose sur un sujet qui ne nous a jamais interpelé, comme les mégalithes de Bretagne ou les mœurs sexuelles des Hittites, et j’en passe bien sûr. Alors nous nous lassons embarquer dans ces histoires, à travers ces démonstrations, au sein de ces pensées. J’y ai trouvé un intérêt qui ne sert à rien, mais qui produit quelque chose de cérébral.

Toutefois, un doute demeure : pourquoi parler de choses si différentes ? La consommation d’alcool depuis 50 ans, la Mort de Sardanale de Delacroix… et pourquoi par les pandas ? C’est normal de trouver ça bizarre.

Et puis ça prend forme. Une colère ou une indignation transpire et se dégage à travers des sujets si disparates. Un certain désespoir apparaît à travers ces expressions sérieuses et ses notes amusantes. Il y a une tragédie qui se joue en image d’Épinal, sous un masque comique, caché derrière le sérieux d’articles scientifiques, qui sont de plus en plus ironiques. Pendant que le plaisir de lecture continue. Aucune noirceur au tableau. Au contraire, une lumière diffuse, d’un gris rose comme lors d’une météo calme pendant les entre saisons.

Une émotion m’est apparue à la lecture des dernières pages. Elle s’est montrée comme si elle avait toujours été là, mais je ne l’ai perçue qu’en arrivant à la fin. L’émotion qu’un partage a eu lieu. J’ai compris quelque chose, sans trop savoir quoi d’autres que ces titres et ces thèmes. Une chose pensée qui a comme posé la pierre d’un horizon. Une envie de regarder les évidences humaines comme des problèmes humanistes.

C’est en cela que ce livre est philosophique : moins dans son contenu que dans son effet.

Bénédicte, lectrice exigeante

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