Terminons notre série d’articles sur les ouvriers en lutte, puis les étudiants contestataires, par un top 10 des meilleures affiches de mai 68. Il s’agit d’un contre-article car nous avons vu que le benchmarking n’avait guère les faveurs des étudiants maoïstes. C’est pourquoi nous allons identifier 10 affiches sans les classer les unes par rapport aux autres. Elles seront toutes ex-æquo. Nous nous contenterons de les regrouper par thème : agriculture, répression, travailleurs en lutte et affiches-texte.
Philosophie politique de l’Atelier Populaire
Pour mémoire, rappelons que la première affiche consacrée à mai 68 sort le 14 mai de l’atelier de lithographie, avec la mention : “USINE – UNIVERSITÉ – UNION”. Le lendemain a lieu la première réunion du comité de grève. Le 16 mai, l’atelier de peinture de l’Ecole des Beaux-Arts est rebaptisé “Atelier Populaire” (AP).
Revendications clés
L’AP construit son discours politique autour de trois revendications clés. Premièrement, il rejette la sélection sociale qui empêche les enfants de la classe ouvrière et les paysans pauvres d’avoir accès à l’enseignement supérieur. Deuxièmement, il critique l’enseignement, qui ne forme pas la conscience critique des étudiants à l’égard de la connaissance ou de la réalité sociale et économique. Troisièmement, il rejette le modèle d’une université destinée à ne former que des cadres technocratiques.
Remise en cause du statut mandarinal du professeur
Dans son propre domaine, il veut remettre en cause le modelage des étudiants par rapport à leur professeur. L’enseignement ne doit pas se réduire à la seule répétition de ce que fait le “maître” jusqu’à ce que l’élève en devienne la copie conforme.
Il rappelle que les universitaires se doivent de lutter aux côtés des travailleurs. La lutte contre l’université de classe doit être organiquement liée à la lutte de l’ensemble des travailleurs contre le système d’exploitation capitaliste.
Critique de l’artiste bourgeois
L’AP se positionne également contre le statut privilégié que la culture bourgeoise accorde à l’artiste. En effet, le privilège enferme l’artiste dans une prison invisible. Il n’est pas un travailleur aux prises avec la réalité historique. L’AP veut transformer le rôle de l’artiste dans la société, en lui permettant de mieux prendre en compte la réalité historique des problèmes des autres travailleurs. Aucun professeur ne peut aider l’artiste populaire à mieux fréquenter cette réalité. Ce dernier doit s’enseigner lui-même. On assiste par conséquent à la remise en cause du pouvoir éducateur de la bourgeoisie au profit du pouvoir éducateur du peuple.
L’alternative présentée par l’Atelier Populaire
L’AP se conçoit au sein d’un système décentralisé : il ne s’agit pas, en effet, d’inonder le pays à partir d’un seul point, mais de susciter la création d’AP partout où il y a des travailleurs en lutte, afin que le travail d’analyse politique à partir duquel s’élaborent les affiches et leur diffusion prenne toujours sa source dans les luttes du peuple.
L’AP se compose d’un atelier où l’on conçoit les affiches, et de plusieurs ateliers où on les réalise (sérigraphie, lithographie, pochoir, chambre noire).
Production des affiches en ligne avec les travailleurs en lutte
Alors que le pays compte dix millions de grévistes, l’AP veut être en ligne avec les travailleurs en lutte. Ses participants vont vers les usines occupées, les dépôts et les chantiers afin d’apprendre des ouvriers en grève comment constituer l’arrière de la lutte dont ils sont l’avant-garde.
Union entre artistes et travailleurs
Tout le monde (travailleur, étudiant, étranger ou français) vient participer à la production des affiches. Des ouvriers viennent proposer des mots d’ordre, discuter avec les artistes et les étudiants, critiquer les affiches produites ou les diffuser à l’extérieur.
Les étudiants et les artistes progressistes, tout en se mettant concrètement au service de la lutte du peuple, se mettent à son école et révisent leur point de vue en se liant aux masses. Ils s’efforcent sans cesse par l’action, la critique et l’autocritique, d’éliminer les pratiques de la création individualiste bourgeoise qui resurgissent toujours consciemment ou non.
Projets d’affiches : du concept au collage
Les projets d’affiches sont proposés démocratiquement en fin de journée en Assemblée Générale (AG). Ils sont le fruit d’une analyse politique des événements de la journée. Ils découlent également des discussions aux portes des usines.
La ligne politique de l’AG s’élabore au cours de débats nécessitant la participation du plus grand nombre possible de travailleurs. Une commission révocable propose en AG une série de thèmes et de mots d’ordre précis. Soulignons que toute responsabilité est provisoire et tournante.
Les mots d’ordre naissent des luttes des travailleurs, en grève ou non. L’AP cherche à s’imprégner de leurs besoins réels et des réalités des luttes. Ainsi se dégagent des mots d’ordre directs et concrets, autour desquels l’AP exécute des affiches soutenant efficacement les luttes du peuple. Pour cela, il est nécessaire de lier les mots d’ordre au graphisme.
Ensuite, les projets acceptés sont réalisés en sérigraphie et lithographie par des équipes qui se relaient nuit et jour. Enfin, des dizaines d’équipes de colleurs, rejointes par celles des comités d’action de quartiers et de comités de grève des usines occupées, se chargent de leur diffusion.
Axes thématiques des affiches
Les affiches doivent montrer l’oppression capitaliste sous toutes ses formes (répression patronale et policière, désinformation). Elles doivent également aider au triomphe de la voie de la lutte de classe contre la voie de la collaboration de classe. Contrairement à ce que le PCF et la CGT affirment, les élections ne peuvent pas être le principal instrument de la prise du pouvoir par le peuple. La ligne de l’AP est résolument révolutionnaire.
Les succès remportés par l’AP
Le Journal mural
Le but du Journal mural consiste à informer véritablement, en rendant compte des luttes du peuple. Le Journal mural se veut une source d’information alternative et fiable, en révélant ce que la presse bourgeoise cache ou déforme. Comment l’AP obtient-il ces informations ? Il les recueille principalement auprès des militants des comités d’action, eux-mêmes liés aux travailleurs. Il présente ces informations sous la forme de BD.
Le top 10 des meilleures affiches de l’Atelier Populaire
Nous allons à présent vous présenter notre top 10 des meilleures affiches produites par l’AP, qui n’est qu’une sélection parmi d’autres. Conformément à l’esprit “AP”, nous ne réaliserons pas de classement à l’intérieur de cette sélection. Par contre, nous ferons des regroupements thématiques parmi les sujets le plus souvent traités par l’AP :
Les affiches sur le monde agricole



Les affiches sur la désinformation / répression



Les affiches sur les travailleurs en lutte


Les affiches-texte

Chères lectrices, partagez-vous notre sentiment concernant les affiches ci-dessus ? Est-ce qu’elles résument l’esprit de mai 68 selon vous ? En avons-nous omis certaines, car après tout, l’AP en a produit plus de 600 au total ?!! N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques dans la section des commentaires ci-dessous ! ?
Références :
- L’Atelier Populaire présenté par lui-même : 87 affiches de mai-juin 1968, Bibliothèque de mai, Editions U.U.U., Paris, 1968