Mode et handicap : une alternative adaptée et inclusive s’impose

Lauren Wasser, mannequin à mobilité réduite, amputée de ses deux jambes après un choc toxique, revient sur les catwalks avec deux prothèses en or, qui secouent le monde de la mode et ouvre la voie à ces oubliés de ce secteur conformiste.

A une époque où les consommateurs expriment leur souhait de diversité et de représentation inclusive, la mode adaptée devient une alternative à la mode traditionnelle. Elle s’impose non seulement pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap, mais aussi comme manière de sensibiliser contre les standards de cette société particulièrement étriqués. 

La mode peut parfois s’avérer odieuse, notamment car c’est un milieu très conformiste. Boutonner une chemise, enfiler un jean skinny ou attacher un soutien-gorge nous donne du fil à retordre. Et pour les personnes à mobilité réduite, c’est pire. Face au handicap, la mode peine à avancer alors même que cette cible aux besoins spéciaux exprime sa volonté d’être plus autonome et élégant.

Le handicap en Europe, c’est 37 millions de personnes et 2,5 millions de la population française sont victimes d’un handicap moteur. En France, 88% des familles touchées par le handicap estiment ne pas être intégrées. Et cela passe notamment par des actions du quotidien, telles que s’habiller. En effet, la mode a eu tendance à effacer ces oubliés, ne leur laissant peu de choix vestimentaires en accord avec leur handicap. 

Le handicap, invisible dans la sphère de la mode

Les personnes en situation de handicap sont très peu représentées dans le secteur de la mode, et cela commence tout particulièrement dans le marché de l'emploi de ce domaine, où ils n'occupent que très peu de postes.

La place du handicap dans le marché du travail de la mode

En effet, on a pris conscience de la négation des personnes handicapées dans cette sphère si rigide. De ce fait, on observe que plusieurs initiatives ont été mises en place afin de les intégrer dans le domaine de la mode. L’emploi, et sur les podiums entre autre. 

En France, l’association Mode & Handicap, c’est possible répond aux besoins des personnes en situation de handicap qui souhaitent mêler le pratique à l’élégant. Pour se faire, l’association propose des solutions techniques et esthétiques sur le plan vestimentaire. Elle encourage l’intégration des personnes invalides dans le secteur de la mode : ensemble, ils créent des vêtements destinés aux personnes en situation de handicap et aux personnes valides, pour ainsi favoriser leur insertion et changer le regard sur le handicap. Ils font également des ateliers de sensibilisation et de formation aux métiers de la mode. 

De plus, le groupe leader de la mode masculine Happychic a organisé à deux reprises la convention Handimode sur le thème du handicap. Cette dernière a pour but de valoriser le handicap dans le secteur de la mode et de l’emploi. De cette façon, le groupe cherche à répondre aux besoins de tout un chacun et ainsi à atteindre plusieurs objectifs. D’abord, il cherche à intégrer les personnes handicapées dans le marché de l’emploi. Puis, à sensibiliser leurs salariés sur les conditions des personnes à mobilité réduite. Enfin, cela permet de rompre les préjugés et les discriminations concernant ces personnes. 

Le handicap sur les catwalks

Le handicap est totalement oublié dans le monde de la mode. Jusqu’à récemment, en 2014, avec l’apparition sur les catwalks de Madeline Stuart, une jeune mannequin atteinte de la trisomie 21. Cet évènement a alors permis d’ouvrir la voie pour les personnes en situation de handicap. 

On cite notamment Sandrine Ciron. Animée par sa passion pour la mode, cette blogueuse mode en situation de handicap a lancé l’association Fashionhandi. Cette organisation est née de sa volonté d’être fashion et sexy, même en fauteuil. L’association organise chaque année le défilé Fashionhandi, Fashion for all. En collaboration avec des professionnels, celui-ci a pour but de briser le tabou sur les personnes en situation de handicap. En effet, il met sur le devant d’une même scène des mannequins à mobilité réduite et valides. 

A l’étranger, on voit aussi ce phénomène d’émancipation et d’inclusivité autour des personnes invalides. Par exemple, Aaron Philip, mannequin transgenre en situation de handicap, se fait repérer sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, elle a signé avec Elite Model Management. Ensuite, elle pose pour le Paper Magazine, et collabore avec des marques de prêt-à-porter telles que Asos et H&M.

Autre mannequin qui pavait la voie pour les personnes invalides : Lauren Wasser. Alors qu’elle avait déjà une carrière bien ancrée dans le monde de la mode lorsqu’elle était valide, elle se voit amputer des deux jambes. En effet, après un choc toxique provoqué par l’utilisation d’un tampon, elle perd l’usage de ses jambes. Cet handicap ne l’arrête pas puisqu’elle reprend sa carrière dans le mannequinat. Elle se fait poser deux prothèses en or qui la rendent davantage célèbre. Ses prothèses dorées deviennent alors un symbole dans le monde entier et un modèle pour les personnes à mobilité réduite. De plus, elle collabore avec plusieurs grandes maisons de couture. Engagée, elle reprend le photoshoot de Kylie Jenner dans un fauteuil roulant qui fait polémique. Ainsi, elle lutte contre la non-représentation des mannequins handicapés qui ne demandent qu’à être pris en compte dans ce milieu.

Face au handicap, la mode avance

La mode adaptée en boutique spécialisée

Les premières adaptations vestimentaires ont été proposées dans le milieu médical. Par exemple, la blouse ouverte dans le dos a été conçue dans le but de faciliter le travail du personnel soignant. Cependant, les marques se font très timides sur le marché. En effet, on ne trouve des vêtements adaptés au handicap que dans des boutiques spécialisées et non dans des boutiques de prêt-à-porter traditionnelles. Et c’est cette situation qui favorise l’exclusion de ces personnes. 

La mode adaptée, une initiative de particuliers

Néanmoins, quelques organisations françaises, dégourdis de la mode, se sont penchés sur le sujet. En effet, ces acteurs ont compris l’importance de proposer des vêtements adaptés et en ont fait un axe de sensibilisation. Non seulement ils luttent contre la dépendance des personnes en situation de handicap, mais aussi contre les discriminations faites envers ces derniers. Des personnes en situation de handicap ou leurs proches, ne trouvant pas satisfaction dans le prêt-à-porter traditionnel ont décidé de se débrouiller et d’en faire profiter.

C’est le cas de la marque Les Loups Bleus, qui a collaboré avec Kiabi sur leur collection pour enfants. Cette marque naît du ras-le-bol d’une mère d’un enfant en situation de handicap sur le plan vestimentaire. En effet, allier le joli au pratique dans les boutiques de prêt-à-porter traditionnels relevait de l’impossible. Alors, elle a décidé de faire les choses à sa manière. Aujourd’hui sa marque se décline en plusieurs collections pour les petits et grands. Ces dernières visent à faciliter « le quotidien des aidants, des soignants tout en accompagnant l’autonomie des enfants et des adultes handicapés ».

Habicap aussi est une marque française de mode adaptée. Elle a pour but de proposer des vêtements visant à améliorer le confort et l’autonomie des personnes handicapées. Cette dernière propose alors des vêtements adaptés à la position assise prolongée lorsqu’on est en fauteuil, et rapides à enfiler pour faciliter le quotidien.

La mode adaptée, une alternative inclusive

Mais alors que les personnes à mobilité réduite ont exprimé le souhait d’être à la mode, la plupart des marques ont du mal à se mouiller. A l’exception de l’enseigne Kiabi qui a lancé sa gamme pour les enfants en situation de handicap. La marque de prêt-à-porter haut de gamme Tommy Hilfiger a ensuite pris le relais. Avec le lancement, en 2017, de sa collection spéciale mode adaptée, l’enseigne offre à cette cible si particulière des alternatives vestimentaires très designs.

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Cover-dressing, entreprise française, s’efforce de collaborer avec des marques pour proposer des vêtements adaptés aux personnes pour lesquelles s’habiller est une véritable épreuve du quotidien. Elle crée le label bien-à-porter, premier label mondial à concilier mode et handicap. Ce label facilite l’achat de vêtements ergonomiques pour les personnes en situation de handicap, dans les boutiques de prêt-à-porter traditionnelles. De plus, Cover-dressing a également développé une plateforme destinée à toute personne, ayant des limitations fonctionnelles. Dessus, elle peut partager ses bons plans shopping. Une jupe ZARA enfilable à une main, un pantalon Camaïeu sans boutons ni fermeture éclair pour faciliter l’accès aux soins… Plusieurs catégories existent en fonction de la manière dont vous vous habillez, suivant votre invalidité, afin de vous proposer des vêtements fonctionnels les plus adaptés.

La mode ne se limite à rien, elle est création, pas prison.

Sandrine Ciron pour Mode in Textile.

Les gestes les plus simples sont pour ces personnes de réelles épreuves au quotidien. Et pour beaucoup d’entre elles, avoir du style relève du calvaire. Pour y remédier, certaines personnes ont compris qu’il fallait mettre en avant ce marché qu’il devient urgent de développer. De cette façon, on lutte contre la dépendance des personnes à mobilité réduite et on répond à leur besoin d’élégance et de confort lorsqu’on ne rentre pas dans les standards de la mode. Cependant, le faire dans des boutiques spécialisées ne résoudraient pas le problème. Développer une mode adaptée pour tous romprait la discrimination à leur égard et serait une alternative plus inclusive.

Cet article a 2 commentaires

  1. MARTELOT

    Bonjour, merci pour cet article enrichissant. Cela m’a permis de découvrir des marques et d’apprendre qu’il y a des mannequins en situation d’handicap, c’est une bonne évolution. Je cherche une reconversion professionnelle et notamment dans la mode des vêtements adaptés, alors je suis ravie d’avoir lu cet article.
    Karine

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