L’Hypersensible : un haut potentiel pour l’entreprise, selon Fanny Marais

L’ « Hypersensible » : un haut potentiel pour l’entreprise, selon Fanny Marais

L’hypersensibilité est aujourd’hui un sujet en vogue dans les médias comme parmi les chercheurs. Touchant un tiers de la population mondiale, ce phénomène fait l’objet d’études au sein de l’Observatoire de la sensibilité. Sa co-présidente, Fanny Marais, également autrice du livre Hypersensible publié aux éditions Vuibert en avril dernier, a bien voulu répondre à nos questions. Son but : nous permettre d’apprivoiser notre hypersensibilité, particulièrement dans le cadre du travail… 

Au terme de douze années passées en entreprise dans des fonctions marketing, Fanny Marais s’est reconvertie dans le coaching. Se sentant concernée par l’hypersensibilité, elle a commencé à mener de nombreuses recherches sur le sujet et à se former. Par ce biais, elle a rencontré Saverio Tomasella, psychologue ayant énormément contribué à faire connaître l’hypersensibilité en France. Aujourd’hui, Fanny est coach auprès de particuliers et de salariés. Elle est également formatrice en entreprise sur toutes les thématiques en lien avec la connaissance de soi.

Portrait de Fanny Marais.
Fanny Marais. (c) Marais Solution Coaching.

Qu’est-ce que l’hypersensibilité ?

Selon Elaine Aron, à l’origine du concept de Highly Sensitive Person dès 1996, 30% de la population mondiale serait hypersensible. Les manifestations de l’hypersensibilité peuvent être classées en trois grandes catégories : charge sensorielle ; intensité émotionnelle et ébullition des pensées. Ainsi, si un individu ressent les choses avec une acuité particulière, il doit se garder de penser qu’il est trop susceptible ou paranoïaque.

Fanny revient ainsi sur la charge sensorielle. « Parmi les cinq sens, un ou plusieurs sont exacerbés chez la personne hypersensible. C’est ce qu’on appelle l’hyperesthésie. Cela génère des difficultés au quotidien, dans le cas d’un bruit de fond insistant l’empêchant de se concentrer, par exemple. L’intensité de la perception est ainsi plus importante chez une personne hypersensible ».

Fanny appuie ses propos sur des études scientifiques. « Des chercheurs de l’université de Stony Brook à New York ont mis en évidence, dans une étude datant de 2014, que chez les hypersensibles ces stimulations extérieures peuvent aller jusqu’à activer les structures cérébrales relatives à la douleur » (p. 30). Ces chercheurs ont montré que l’insula, partie du cerveau liée aux émotions, est très active chez les hypersensibles. Autrement dit, les stimulations extérieures sont perçues très vivement chez ces personnes. Elles perçoivent par conséquent les événements extérieurs « sans filtre ». Si bien que, dans un contexte saturé en stimulations, il devient alors impossible pour une personne hypersensible d’être calme et réceptive. Selon Fanny, « un phénomène de surcharge se produit alors et perturbe la personne hypersensible ».

Célébrités hypersensibles

L’hypersensibilité est répandue parmi les quidams comme parmi les célébrités. Fanny nous cite quelques noms connus parmi les hypersensibles. Baudelaire, Camus, Flaubert, Rimbaud ou Marcel Proust parmi les écrivains. Ou Amélie Nothomb chez les femmes. Selon Fanny, « la manière dont quelqu’un écrit permet de reconnaître immédiatement son hypersensibilité ». Elle en veut pour preuves les descriptions très détaillées de Flaubert, ou la façon dont Baudelaire communique ses émotions. Quant à Rimbaud, il représente le type même de l’écrivain hypersensible torturé et « artiste maudit ».

Chez les musiciens, Barbara ou Dalida sont également considérées comme des hypersensibles. Mais tous ne connaissent pas un destin tragique ! Parmi les hommes, on retrouve Jacques Brel ou Serge Gainsbourg. « Ce dernier est un bon exemple d’hypersensible questionnant la norme », ajoute Fanny. Parmi les actrices, Fanny cite les cas de Marion Cotillard et Charlotte Gainsbourg, dont la façon de s’exprimer (répétition, choix des mots, lenteur parfois dans le partage) illustre le côté hypersensible.

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Fardeau ou cadeau dans le monde du travail ?

Le monde du travail concentre une grande partie des difficultés que les personnes hypersensibles rencontrent. En effet, il existe une multitude de normes professionnelles préconstruites auxquelles il convient de se plier. Selon Fanny, « si la personne hypersensible peut parfois essayer de contourner la norme, elle peut également choisir de s’y soumettre complètement, voire de se sur-adapter à cette norme. Certains au contraire choisiront de la questionner ». En conséquence, de nombreuses personnes salariées hypersensibles éprouvent des difficultés au quotidien. Si jamais elles décident de se lancer dans l’entrepreneuriat, cela peut leur permettre de retrouver une certaine latitude par rapport à toutes les normes du monde du travail auxquelles elles ont du mal à s’adapter. Ainsi, « une personne hypersensible va parfois bien se sentir dans un environnement de travail qu’elle aura créé elle-même », ajoute Fanny.

Plus généralement, l’individu hypersensible se doit de travailler sur son hypersensibilité pour pouvoir mieux la caractériser (points faibles : hyperesthésie, difficulté à comprendre ses émotions ; mais aussi points forts : empathie développée). « Si j’ai une forte empathie, nous a expliqué Fanny, cela peut faire de moi une personne douée dans certaines fonctions telles que l’accompagnement, le care au sens large. Cela peut également faire de moi, de manière plus surprenante, un très bon commercial car je serais tellement empathique que j’aurais deviné les besoins de mon client, avant même qu’il ne les exprime ».

Concernant l’environnement de travail, poursuit Fanny, « si j’ai vraiment du mal à me concentrer dans le bruit, il sera important pour moi d’avoir un cadre de travail adapté (télétravail durant lequel je choisis mes horaires et mon environnement de travail, fréquentation assidue de salles de réunion en cas de travail en présentiel) ».

Les qualités attachées à l’hypersensibilité

Toutefois, certaines entreprises reconnaissent, à leur avantage, les qualités attachées à l’hypersensibilité :

  • Empathie et aptitude au management : les hypersensibles sont davantage à l’écoute non seulement de leurs émotions, mais aussi de celles de chacun des membres de leur équipe. Ils seront ainsi les premiers à se rendre compte d’une difficulté dans un dossier.
  • Créativité : les personnes hypersensibles pensent différemment. Il ne s’agit donc pas seulement d’une créativité artistique, mais d’une créativité intellectuelle au sens large. Cette dernière s’exprime par la recherche de solutions innovantes. C’est la raison pour laquelle certains hypersensibles se retrouvent dans les fonctions de recherche-développement.
  • Sens du détail : les hypersensibles sont des personnes sur lesquelles on peut généralement se reposer (minutie du travail accompli).
  • Esprit d’équipe : les hypersensibles sont des personnes pouvant facilement intégrer les nouveaux membres de leur équipe. Ils ont donc une influence positive sur la cohésion de leur équipe.
Les qualités attachées à l'hypersensibilité.
(c) fauxels – Pexels.

Apprivoiser son hypersensibilité…

Fanny a construit son livre Hypersensible ainsi que le déroulé des séances d’autocoaching qu’il propose comme une progression. « Je recommande par conséquent de les lire dans l’ordre », conseille-t-elle. Le premier chapitre propose de définir sa propre relation au travail. Selon Fanny, « il est important de prendre du recul et de se poser certaines questions. Qu’est-ce que j’attends de mon travail ? Qu’est-ce qui me pose problème au quotidien ? Est-ce que c’est de l’ordre de l’environnement, des relations, du contenu de mon travail ? Ai-je un conflit de valeurs avec le secteur dans lequel je travaille ? »

À partir du deuxième chapitre, on entre de plain-pied dans la définition de l’hypersensibilité. Par la suite, il a semblé important à Fanny d’aborder le passage à l’action. « Car, quand on est dans sa tête, on a du mal à passer à l’action. Cela m’a permis de poser la question de la procrastination et du perfectionnisme chez les personnes hypersensibles. Or, le fait de passer à l’action permet de redorer son estime de soi ». En outre, dans la mesure où Fanny a noté que la plupart des difficultés éprouvées par les hypersensibles provenaient de certaines de leurs relations de travail, elle a voulu poser la question de la toxicité de ces dernières. Enfin, Fanny a conclu son ouvrage par un chapitre intitulé « Devenir l’artisan de sa vie professionnelle ». Selon l’autrice, « il revient à chacun de prendre la responsabilité de changer la situation dans laquelle il se trouve si elle ne lui convient pas ». 

… pour dégager une authenticité recherchée

Pour conclure notre entretien, Fanny a fait appel à ses souvenirs en évoquant le cas d’un salarié dont l’empathie lui permettait d’entrer en relation avec tous types de personnes, même en dehors de ses alter egos. « Il était apprécié pour sa capacité à nouer des relations avec des personnes à tous les échelons hiérarchiques. La personne hypersensible peut donc dégager une authenticité rare ». Un exemple à méditer pour toutes celles et ceux qui vivent leur hypersensibilité comme un fardeau, alors qu’en fait, elles peuvent la voir comme un atout, à condition de faire un travail sur soi !

Et vous, vous considérez-vous comme un(e) hypersensible ? Quels sont les éléments qui vous permettent de tirer ce constat ? Faites-nous part de votre témoignage dans la section des commentaires !

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