Interview (2/2) : échange avec la Basketteuse Isabelle Yacoubou

interview : rencontre avec la basketteuse Isabelle Yacoubou

Dans cette deuxième partie, Isabelle Yacoubou se confie sur sa carrière et ses préférences personnelles. Découvrez la suite de notre entretien.

Ô Magazine : Avant le basket, tu avais commencé une carrière en athlétisme, pourquoi ne pas avoir continué ?

Isabelle Yacoubou. En athlétisme, j’ai eu la chance de participer à deux championnats du monde : ça a été une super expérience. Ça m’a permis d’énormément voyager mais la limite avec l’athlétisme, ça a été le côté individuel de ce sport. Par exemple, les victoires sont célébrées seules ou les défaites sont vécues en solitaire. Je préférais quand même le côté solidaire du basket par rapport à l’athlétisme.

Ô Magazine : Tu as souvent changé de club, c’était un choix de ta part ? Une envie de bouger, de voir d’autres horizons ?

Isabelle Yacoubou avec un poster.
Isabelle Yacoubou.

Isabelle Yacoubou. Alors, ma passion première, c’est avant tout les voyages. Ce qui s’est passé, c’est qu’à chaque fois que j’étais en fin de contrat, mon agent me proposait des clubs et moi, je suivais généralement le projet. C’était les meilleurs clubs européens, donc quand des clubs comme ça nous appellent, généralement, on dit pas non. En même temps, ça assouvissait mon désir de voyager, donc c’était gagnant-gagnant. J’avais pas prévu ça mais je l’ai fait avec grand plaisir.

Ô Magazine : Est ce qu’il y a un club qui t’as plus marqué que les autres ?

Isabelle Yacoubou. Évidemment l’Italie, car malgré que ce soit à l’étranger; je me suis sentie comme chez moi. J’ai été très bien accueillie par les gens du club et la population. J’y ai vécu cinq ans, j’avais complètement déménagé de la France. C’est une culture qui me correspond bien, ce sont des gens chaleureux, qui vivent dehors et qui communiquent beaucoup. En plus, le président Matiano Ciertano est un homme avec un très grand cœur et j’avais jamais vu ça dans le basket féminin.

Ô Magazine : Est ce qu’il y a un match qui t’as plus marqué que les autres en bien ou mal ? 

Isabelle Yacoubou. On va commencer par le pire (rires) ! Quand j’étais à Fenerbahçe SK un jour, on joue un match contre l’université d’Istanbul et il faut savoir qu’en Turquie, quand on joue les Derbys, il y a un peu des matchs dans des matchs. C’est-à-dire qu’il y a des conflits entre les dirigeants, donc ça devient tendu très vite. 

Ce match-là, je me rappelle que, défensivement, je commence très bien. On gagne difficilement mais dans le même match, j’ai trois paniers toute seule. Je loupe mon premier rebond, je tire de nouveau, je loupe, puis la défense a le temps de revenir. J’ai raté trois shoots sous le cercle. Malgré le match exceptionnel que je fais ce jour, je suis restée sur cette action et après le match, si j’avais pu creuser un trou et me mettre dedans, je l’aurais fait !

Isabelle Yacoubou lors d'un match.
Isabelle Yacoubou.

Isabelle Yacoubou. En positif, je ne pourrais choisir un seul moment car chaque expérience que j’ai vécu m’a apporté forcément quelque chose. Mais je dirais quand même que la médaille olympique reste au-delà de tout. Une médaille d’argent qui, pour nous, valait de l’or. Les JO, c’est plus qu’un accomplissement car j’aurais jamais pensé pouvoir y participer de ma vie et encore moins gagner une médaille. Ça, personne ne te l’enlève, c’est gravé en toi à jamais.

Ô Magazine : Comment as-tu vécu cette progression depuis tes débuts à aujourd’hui ?

Isabelle Yacoubou. Je pense que je n’ai pas beaucoup de recul dessus. J’essaie de profiter du moment présent à chaque fois car hier est déjà passé et on ne sait pas ce que demain nous réserve. J’arrive pas à me dire : « Ouais c’était bien ce que j’ai fait ! » Non, je vais plutôt me répéter tous les jours que je dois faire aussi bien que lors de mes grandes satisfactions. Par exemple, la médaille des JO et d’autres petites que j’ai gagné en individuel ou collectif. J’essaye de faire des choses au quotidien pour pouvoir revivre cette sensation et ces émotions. 

Ô Magazine : Quels sont tes objectifs en temps que basketteuse pro pour les mois et les années à venir ?

Isabelle Yacoubou. Aujourd’hui, j’ai 34 ans. J’ai conscience que la courbe est descendante et que c’est bientôt la fin de ma carrière. Ce n’est pas quelque chose que j’appréhende parce que je m’y prépare mentalement depuis quelques années maintenant. Je sais que ça va bientôt s’arrêter mais tant que je suis là, je veux gagner et montrer que je suis toujours capable de jouer.

Tout est un défi continuel entre moi et moi car j’essaye de me prouver que je suis toujours au niveau et je travaille dur pour ça. J’essaye justement de finir ma carrière sans regret. Je veux me donner à 100% et en profiter jusqu’au bout. Bon, aujourd’hui ça fait un peu mal mais c’est pas grave, je donne le maximum et puis de toute façon, quand on donne le maximum, on ne peut être que satisfait du résultat final.

Ô Magazine : As-tu une autre profession ?

Isabelle Yacoubou. Non, à part le métier de maman qui est un vrai métier. Je souhaite vraiment dire respect et chapeau à toutes ces femmes qui ont dédié leurs vies pour élever leurs enfants parce que tant qu’on ne le vit pas, on ne peut pas savoir ce que c’est. Pour moi, élever un enfant, ça veut bien dire être présent en continu pour lui et le porter vers le haut. C’est vraiment un métier de chaque instant à part entière mais qui n’est pas reconnu comme tel.

Ô Magazine : Quelle vision as-tu de ta discipline actuellement ?

Concernant ma discipline, je ne sais pas si elle a régressé ou progressé car ça a tellement évolué depuis l’époque où j’ai commencé. Moi, je me rappelle quand j’étais jeune, les filles comme moi qui arrivaient en fin de carrière avaient vraiment du mal à garder le niveau et nous les jeunes, on avait pas trop de mal à les remplacer. 

Isabelle Yacoubou. Mais ce que je remarque aujourd’hui, c’est que les vieilles sont là, les vieilles restent et dans tous les pays, on voit les gens partir à la retraite de plus en plus tard. Alors, je me demande si c’est parce qu’il n’y pas des jeunes aussi performantes qu’avant ou si c’est grâce à la connaissance qu’on arrive à prolonger des carrières. En effet, aujourd’hui, on reconnaît l’importance de la qualité de vie, la diététique, le travail musculaire et c’est tout ça qui permet aujourd’hui d’optimiser des vieux corps comme le mien. Je suis donc vraiment très mitigée là-dessus. 

Ce dont je suis sûre, c’est qu’il y a de plus en plus de gros talents, c’est-à-dire des filles qui sortent du lot. À notre époque, il y en avait peut être une ou deux qui brillaient vraiment et qui se démarquaient, sinon c’était vraiment un ensemble. Même la douzième joueuse qui n’avait apparemment aucun talent brillant arrivait à faire la différence en collectif tandis qu’aujourd’hui, je trouve qu’il y a de plus en plus d’individualité. Mais je trouve ça intéressant pour le futur car quand nous réussirons à les optimiser ensemble, ça va être du tonnerre.

Ô Magazine : Quelle vision as-tu du sport féminin en général ?

Isabelle Yacoubou. Pour le sport féminin en général, on parle beaucoup de la reconnaissance du sport féminin, de la promotion de celui-ci mais je trouve que dans les actes, ce n’est pas encore ça. Moi, en tant qu’athlète, je suis choquée de voir l’équipe lyonnaise féminine de foot gagner un cinquième titre d’affilée de Champions League et d’avoir sur le journal de sport par excellence, seulement une petite ligne en haut d’une page qui y est dédiée. Je me suis demandée si les garçons auraient eu juste trois lignes en haut d’une page. 

J’ai envie de dire que cette situation, c’est la responsabilité de tous. Nous, les sportives, nous devrions en parler un peu plus. Les entreprises sponsors devraient aussi prendre leurs responsabilités en commençant à investir sur les filles car, encore une fois, le monde de la communication ne donne que ce que les gens consomment. D’après moi, aujourd’hui si on peine à avoir du sponsoring pour les filles, c’est aussi une conséquence de la médiatisation. Maintenant, il faut que les acteurs économiques jouent le jeu, soutiennent les filles et plus que deux, trois têtes d’affiche.

Ô Magazine : Est-ce qu’il y a des sportifs qui t’inspirent ?

Isabelle Yacoubou. Je dirais Serena Williams. Pour moi, c’est déjà un modèle en temps que femme noire, puis en temps qu’athlète car réussir à arriver à un tel niveau et le conserver pendant tant d’années, c’est super. Gagner, c’est difficile mais rester toujours au même niveau, c’est encore plus dur. Elle a démontré que même après une maternité, c’était possible.

Merci à Isabelle Yacoubou de nous avoir accordé un peu de son temps pour cette interview. Nous lui souhaitons bonne chance pour la suite et notamment pour sa reprise. Pour suivre en direct la progression de la jeune femme, retrouvez-la sur Facebook ou sur Instagram.

Ô Magazine
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