Interview (1/2) : échange avec la Basketteuse Isabelle Yacoubou

Interview : échange avec la Basketteuse Isabelle Yacoubou

Du haut de son mètre 90 et à seulement 34 ans, Isabelle Yacoubou mène de front sa carrière de basketteuse et sa vie de jeune maman. Vice championne olympique et multiple médaillée internationale avec l’Équipe de France de basketball, elle a eu une carrière longue et riche dans les meilleurs clubs européens. Lors des Jeux Olympiques de Londres, Isabelle a remporté la médaille d’argent avec l’Équipe de France tandis qu’en 2016, elle fut capitaine des Bleues.

Actuellement, elle évolue au poste de pivot et est internationale française au club de Bourges Basket.

Ô Magazine : Comment vas-tu en cette période exceptionnelle ?

Isabelle Yacoubou. Forcément, je pense que comme tous les Français, il y a un manque de repères. Mais heureusement, il y a aussi ce que nous enseigne le sport. La capacité de s’adapter aux situations et à pouvoir intégrer très vite les changements. Du coup, on va dire que je suis dans cette phase-là en ce moment.

Ô Magazine : Ta carrière a été mouvementée ces dernières années, peux-tu nous faire un point sur celle-ci ?

Isabelle Yacoubou. En 2017, je me suis fait opérer du genou car je traînais depuis une dizaine d’années une tendinopathie. Avec mon ancien club, Famila Schio, on avait décidé qu’il fallait arrêter de jouer aux pompiers et que je devais prendre le temps pour soigner cette blessure. J’ai donc pu me faire opérer à Rome par un des plus grands professeurs qui existent : Mariani. C’est le chirurgien personnel de Francesco Totti, l’ancien capitaine de l’As Roma. Après ça, j’ai pu reprendre ma carrière normalement jusqu’en 2018. L’année à laquelle je suis tombée enceinte. 

Ce n’était pas forcément planifié. Mais voilà, c’était une nouvelle bienvenue car j’avais 32 ans et la maternité, c’est quelque chose qui m’avait toujours plu et fasciné. Cet événement était en réalité une bénédiction pour moi car j’ai toujours voulu être maman. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai adopté un petit garçon il y a quelques années. 

Après cette maternité, j’ai fait mon retour en France, au club de Bourges Basket où je signe trois années de contrat. Je commence la première seulement quatre mois après mon accouchement. Mais malheureusement, au bout de deux mois, en octobre 2019, j’ai été interrompu par une maladie de la thyroïde. On a mis un peu de temps à trouver le bon équilibre dans le dosage des médicaments car vous savez, c’est toujours approximatif. On a finalement réussi à stabiliser tout ça, cette année, au mois de janvier.

En février, j’ai enfin pu reprendre les entraînements. Et finalement, un mois plus tard, quand j’étais prête à reprendre les matchs, il y a eu le confinement.

Aujourd’hui, tout se passe bien, je suis repartie sur une deuxième saison contractuelle avec le Bourges Basket. J’attends avec impatience les premiers matchs amicaux qui seront pour moi ce week-end. Si tout va bien. Vendredi, je devrais enfin pouvoir refouler les parquets, donc j’attends ça avec grande impatience.

Ô Magazine : En 2017, comment s’est passé la période post-opératoire ?

Isabelle Yacoubou. Après l’opération, j’ai eu la chance que mon corps réponde très bien. Elle a été effectuée début Janvier et le professeur m’avait dit à l’époque qu’il fallait compter six à huit mois pour s’en remettre. Moi, j’ai eu la chance d’avoir un club qui m’a mis à disposition du personnel et un centre de rééducation pour me remettre en forme. Avec un travail quotidien, j’ai pu récupérer très vite et quatre mois plus tard. Je rejouais mes premiers matchs. C’était déjà un exploit car j’avais un arrachement du tendon rotulien et il y avait une reconstruction complète a faire. 

Bien sûr, je continuais à m’entraîner car certes, on est blessé au genou mais ça n’empêche pas qu’il faut continuer à travailler le reste du corps. Par exemple, j’allais en piscine pour travailler le cardio vu que je ne pouvais pas courir. Puis, j’utilisais beaucoup Compex. C’est un moyen de renforcement post-opératoire qui sollicite les muscles complètement endormis. D’ailleurs, les réveiller a contribué à ma préparation. 

Aussi, j’allais sur le terrain faire quelques shoots en fauteuil roulant ou même sans bouger pour solliciter la mémoire du geste. En fait, je ne me suis jamais vraiment arrêtée car je m’étais fixée pour objectif de finir cette saison là. Je me disais que j’avais donc cinq mois pour revenir.

Ô Magazine : Comment as-tu géré la période du coronavirus physiquement et mentalement ?

Isabelle Yacoubou. Au début, ça a été très dur. J’avais obtenu le droit de reprendre les matchs au mois de mars. Je me rappelle le samedi, nous devions jouer contre Tarbes, mon ancien club au Pradeau et puis le jeudi juste avant la nouvelle est tombée : la saison allait peut-être être écourtée pour des raisons sanitaires. On était donc tous priés de rester chez nous et les championnats étaient mis en pause

Moi, j’avais l’espoir d’une éventuelle reprise, donc je continuais à m’entraîner tous les jours chez moi. Mon préparateur physique avait changé mon programme d’entraînement pour que je puisse travailler à la maison. J’ai la chance d’avoir un petit bout de jardin, donc ça me permettait de courir dehors. Puis, j’en ai aussi profité pour m’équiper un peu, j’ai installé un panier de basket. Alors oui, je n’en avais pas alors que je suis basketteuse (rires) !

Mentalement, à ce moment-là, ça allait, mais quand ils ont annoncé la fin de la saison au mois d’Avril, là, sincèrement, ça a été difficile. J’avais vécu deux préparations physiques pour une seule saison. Je ressentais beaucoup de frustration

Déjà, pour moi, le retour de maternité a été un vrai challenge car j’avais pris 37 kilos durant ma grossesse. Ensuite, il y a eu la maladie, réussir à la combattre, être dispo pour reprendre et là, la crise sanitaire qui venait tout bloquer, c’était très frustrant. Mais je suis quelqu’un de très positif et j’ai réussi à relativiser en me disant : « Bon, ça me laisse plus de temps de préparation pour reprendre au mois d’août avec l’équipe. »

Ô Magazine : As-tu repris les entraînements au club de Bourges Basket ?

Isabelle Yacoubou. Avec le club, on a repris le 6 août, mais on a eu une réunion fin juin pendant laquelle on a pu faire un point sur notre santé avec des médecins, des kinés et le préparateur physique. Ce dernier nous a fait un programme de travail spécial pour les vacances afin d’optimiser notre reprise du basket en août. En fait, j’ai jamais arrêté de m’entraîner, j’avais toujours un programme à suivre chez moi.

Ô Magazine : La maternité a-t-elle changé ta vision du sport ?

Isabelle Yacoubou. Pas vraiment, mais ça m’a permis de relativiser sur beaucoup de choses. Ça m’a fait réaliser qu’il y a plus important que le sport et qu‘être mère, c’est aussi un travail. Nous les athlètes, nous vivons le sport de manière viscérale, c’est plus qu’un métier, c’est aussi une façon d’être. Pour moi, c’est notre essence et c’est la manière dont on s’exprime le mieux.

La maternité, ça m’a apporté le fait de me dire : « OK, le basket ça ne reste qu’un travail, à la fin de la journée, quand tu rentres à la maison que t’aies fait un bon match ou un mauvais match, un bon entraînement ou un mauvais, tes enfants ont besoin de toi et il faut être à 100% pour eux aussi ! » On n’a pas le temps de s’apitoyer sur son sort en se disant : « Mince, j’ai loupé ce panier, j’ai pas pris ce rebond, j’ai pas fait cette passe… » Tout devient vraiment secondaire.

Par contre, ce que je trouve formidable c’est qu’aujourd’hui pour que mes enfants soient fières de moi. Chaque fois que je vais à l’entraînement et que c’est dur, je me dis que c’est pour eux que je le fais. J’ai envie qu’ils puissent me voir réussir et se dire on a envie de faire comme maman, se dépasser. Ils le voient tous les jours dans mes souffrances et dans mes douleurs. J’espère donc pouvoir leur transmettre cette valeur. Pour moi, il y a que ça de vrai : le travail.

Ô Magazine : Finalement, quand as-tu commencé le basket et pourquoi ?

Isabelle Yacoubou. Moi, j’ai commencé le basket par hasard. Je venais de passer en sixième j’avais neuf ans et au collège, j’avais un professeur de sport qui me disait : « Tiens toi, tu as de la taille, tu devrais faire du sport » et j’étais là : « Non, non, non. » Mais la même année, j’avais deux meilleures amies qui faisaient du basket et qui m’ont dit :  « Tiens, ça peut être sympa pour passer plus de temps ensemble que tu t’inscrives comme ça, ça nous fera une activité en commun. » Finalement, je me suis dis pourquoi pas. On a donc commencé au lycée et puis mon professeur d’EPS m’a dit : « Écoute, moi j’ai un club et j’aimerais beaucoup que tu viennes jouer avec nous. »

Donc, j’ai commencé vraiment comme ça juste pour avoir une activité extra-scolaire et passer du temps avec mes amies. Après, quand j’y ai goûté, j’ai été piquée et je me suis plus jamais arrêtée. 

Ô Magazine
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