Graines, l’exposition ! Au 104

Le 104, Les graines l'exposition

En ce moment et jusqu’au 4 septembre 2022, le 104 à Paris nous propose une exposition inattendue sur les graines. Un tour rapide dans les anciennes écuries, pour apprécier l’esthétique intelligente de la nature. Quel art que mettent les organisations biologiques à se reproduire dans les configurations les plus imaginaires ! Le silence des arbres tait le secret de l’immortalité, au moins autant que le plaisir de répandre ses graines.

Les trois dimensions des graines

La première dimension est didactique. Elle raconte le lien que l’homme a eu la bonne idée de nouer avec les hydrates de carbone, en embarquant dans sa poche l’équivalent d’une forêt d’arbres fruitiers dans quelques graines dormantes. Il les a transportés, d’île en île, de continent en continent, pour toujours reproduire ce qu’il savait bon pour lui. Assurer un peu de victuailles dans les terres inconnues qui l’accueilleront à la fin de chacun de ses voyages.

La deuxième dimension est cette beauté incroyable dont sont capables les graines et qui nous est révélée par des photos en gros plan : les bouches sortent pour parler, les couleurs explosent, les étoiles voltigent… Et les dessins se redessinent dans des nuances audacieuses.

À côté de ces photos, défilent les vraies graines en vitrine. La troisième dimension donne un label latin, comme dans ces jardins que nous racontait Rousseau. L’esthétique reste présente. Notre œil cherche les nouveaux détails. La photo pousse à vouloir mieux découvrir la vérité. La graine interroge sur le dessein qui l’a guidée. Impossible de ne pas savoir que la finalité se cache derrière chaque déterminisme. La graine est une fatalité.

Enfin discrètement, entre les deux salles, les graines plantées amusent les enfants dans un jeu de leçon de choses, offert aux parisiens dont le balcon est trop petit ou la cuisine mal exposée.

Le 104

Ancien lieu où l’on gérait la mort, le 104 sait parfaitement entretenir des expositions et des visites qui ouvrent l’esprit. La beauté n’est pas une fin, c’est une question. Une épreuve même parfois.

Cette belle exposition est donc l’occasion de retourner au 104, de participer à quelque évènement, à y boire un verre dans son café caché. C’est l’occasion de retrouver le thème des graines chez l’austère Emmaüs ou dans la très accueillante librairie.

C’est un quartier où l’on y traîne rarement ses guêtres, sauf pour aller chez la copine qui s’y trouve bien ou pour prendre un bain de bruit. Mais il y a aussi le 104. Le 104 et ses graines.

La graine comme finalité

Mais revenons à la cause finale qu’est la graine ; ce vaisseau vivant, automoteur de son but. Nous la voyons dans toutes ses formes, bêtement posées, alors qu’elle est construite pour affronter vents, mers et végétariens. Comment fait-elle pour parcourir si efficacement le monde ? Oh oui, bien sûr, vous me raconterez qu’au hasard des semis, il y en a toujours qui tombent au bon endroit, puis qu’elles survivront aux caprices de la météo, et enfin qu’elles iront jusqu’à semer à leur tour, longtemps après, au hasard des hasards.

Maupertuis raconte l’histoire d’un proche qui s’intéressait à la reproduction. Ce dernier en vain à disséquer son cheptel de biches entier pour tenter de comprendre comment le sperme pouvait de lui-même remonter le chemin à l’ovule, alors qu’aucun toboggan de l’y invitait. Malheureusement, il ne parvint pas à la réponse. Moi-même je n’ai que le souvenir de films en 4e ou 5e, où des spermatozoïdes illuminés à la led évoluent comme des athlètes dans leur milieu limpide sur fond noir, et dans le plan suivant ils s’esquintent déjà sur l’immense ovule, trop lourd pour faire le moindre effort. Je n’ai donc rien vu de crédible. Pas avant ces graines qui apparaissent comme des livres racontant les secrets que je ne cherchais plus.

Je projette ma vision du monde sur la nature. Je suis intéressée, ambitieuse, révoltée, armée, décidée. Je plaque mes sentiments sur le mécanisme apathique de la nature. Olivier Nattes me l’avait déjà peint : l’homme fabrique du sens avec la nature, la nature fabrique la vie parfois ou parfois rien, sans souci de notre développement durable.

Bénédicte, qui arrivera peut-être à sa fin

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