Femmes dans l’histoire de France : “Belles et rebelles” d’Edith de Belleville

Femmes dans l’histoire de France : Belles et rebelles d'Edith de Belleville

Femmes et histoire : elles sont peu nombreuses à s’être inscrites dans l’histoire de France. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, Edith de Belleville propose de nous présenter cinq femmes qui se sont illustrées par leur beauté, mais surtout par leur esprit. Dans son livre Belles et rebelles : À l’Ombre des grandes Parisiennes, paru ce jour aux éditions du 81, l’autrice se livre à une séance de coaching par l’Histoire. Elle analyse comment chacune de ses héroïnes s’y est prise pour laisser sa marque dans l’Histoire, en nous invitant à l’imiter…

Edith de Belleville, 55 ans, deux enfants, est une professionnelle multicarte.  Avocate en droit social à l’origine, elle est retournée sur les bancs de l’université à l’âge de 50 ans pour passer sa licence de guide conférencière. Également autrice avec la publication de son premier ouvrage Belles et Rebelles, elle donne en outre des cours à l’université… tout en préparant un diplôme de médiatrice.

À l’origine, elle souhaitait faire le portrait de dix Parisiennes, à la suite de podcasts réalisés en anglais pour RFI. En accord avec son éditeur, elle a réduit sa liste à cinq femmes. Et a ainsi choisi celles qui l’inspiraient le plus “de manière très subjective”, avoue-t-elle. “J’ai voulu comprendre les outils que chacune avait développés pour réussir leur vie et dans la vie. En d’autres termes, j’ai analysé leur stratégie de réussite, en adoptant une optique de coaching par l’Histoire”. À force de lire et de croiser de multiples biographies, à force de passer du temps dans les bibliothèques en leur compagnie, “ce sont devenues mes copines”, nous dit-elle. À travers ses récits centrés sur ces égéries, Edith a voulu souligner le lien entre passé et présent. En partant de l’hypothèse selon laquelle “le passé explique le présent”, elle a voulu montrer “en quoi elles sont toujours d’actualité”.

Christine de Pisan : la J.K. Rowling médiévale ?

Quand nous lui avons demandé si Christine de Pisan était la J.K. Rowling du Moyen-Âge, Edith a sursauté : “Quelle comparaison inattendue !” s’est-elle écriée. “Premièrement, J.K. Rowling est anglaise ! Christine, elle, était française et à l’époque, on détestait les Anglais ! Donc, au niveau de la nationalité, cela ne va pas le faire. Par ailleurs, ce n’est pas le même style de littérature. J’adore J.K. Rowling, mais elle est considérée comme une autrice pour adolescents. Christine de Pisan, elle, faisait de la poésie”. Mais il est vrai qu’en y réfléchissant bien, elles ont eu un parcours similaire. Toutes deux se sont retrouvées seules avec leurs enfants, mais elles sont parvenues à s’en sortir en écrivant des livres. “Christine a gagné sa vie en tant qu’écrivaine, une première mondiale pour une femme !” Son personnage est donc remarquable par sa faculté à rebondir, tout en trouvant la consolation par les livres.

Inconnue en Iris (peut-être Françoise-Athénaïs de Rochechouart, marquise de Montespan), Anonyme dans le style de Louis Ferdinand Elle le jeune (1648-1717), (c) Wikimedia Commons.
Inconnue en Iris (peut-être Françoise-Athénaïs de Rochechouart, marquise de Montespan), Anonyme dans le style de Louis Ferdinand Elle le jeune (1648-1717), (c) Wikimedia Commons

Madame de Montespan, ministre de la culture avant la lettre

Deuxième héroïne d’Edith, Madame de Montespan n’est pourtant pas une figure du féminisme, car elle a défendu ses intérêts propres d’abord et avant tout. “Cependant, elle constitue une figure inspirante”, reconnaît l’autrice. “Elle s’est distinguée par sa beauté, certes, mais surtout par son esprit, car elle était extrêmement brillante. Son personnage montre qu’il ne suffit pas d’être belle, mais qu’il faut également cultiver son cerveau. C’est en cela que je la trouve très moderne”. À tel point qu’elle jouait le rôle de ministre de la culture avant la lettre pour Louis XIV. “La Fontaine lui a dédié ses fables. Elle recevait également Racine et Lully, le musicien du roi, dans sa chambre, tout en leur parlant d’égal à égal. Pendant que Louis XIV était à la guerre, elle régnait sur Versailles. Si bien qu’on l’appelait la Sultane !”

Joséphine de Beauharnais, fashion victim de Napoléon

Quant à Joséphine, c’est son côté sentimental, doux et gentil qui a ému Edith. “Elle ne s’énervait jamais, qualité que j’admire beaucoup”, nous dit l’autrice, ajoutant qu’elle “exerçait son pouvoir par la douceur. Elle a considérablement aidé Napoléon dans son irrésistible ascension. “On oublie toujours que derrière tout homme de pouvoir, se cache une femme qui l’a aidé et influencé”, rappelle Edith. Au début, elle était davantage connue que lui, en tant que vicomtesse de Beauharnais. Elle représentait les intérêts de la noblesse, écornés pendant la Révolution. “Quand il arrive au pouvoir, Napoléon sait qu’il doit faire la paix, alors que le pays est au bord de la guerre civile entre royalistes, d’une part, et révolutionnaires, d’autre part”.

Femmes dans l’histoire de France : Belles et rebelles d'Edith de Belleville.
(c) Edith de Belleville.

Napoléon a donc cherché à amadouer les royalistes en utilisant la carte de la vicomtesse, qui lui a donné accès à ses réseaux. Elle a ainsi favorisé l’acceptation de Napoléon par les royalistes. En outre, elle a joué le rôle d’ambassadrice de la mode et du style français. En effet, Napoléon a encouragé Joséphine à devenir l’image brillante du secteur de la mode française dans le monde. Un peu comme Brigitte Macron ou Carla Bruni-Sarkozy après elle. “Elle avait donc une image de fashion victim, reconnaît Édith, dans un but éminemment commercial cependant : elle devait représenter la mode française dans toute sa splendeur, ce dont elle s’acquittait avec bonheur, notamment pour encourager le secteur des soieries lyonnaises”.

George Sand, femme libre

Edith définit sa quatrième héroïne, George Sand, par sa liberté : “Être qui elle était vraiment ; aimer qui elle voulait.” Elle a été la première femme à obtenir une séparation de corps, alors que le divorce n’était pas autorisé. Les femmes de l’époque étaient sans cesse rappelées à leur rôle domestique enfermant, par leurs vêtements notamment (voir l’exemple du corset), “Qu’à cela ne tienne, George Sand portait le pantalon”, s’exclame Edith. “À l’époque, c’était plus que subversif, c’était illégal. Or, George Sand s’affichait volontiers en pantalon, non pas par provocation, mais par volonté de faire ce qui lui plaisait. En cela, elle est une femme très moderne. Mesdames, lorsque vous portez un jean, soyez-en reconnaissante à George Sand”, nous rappelle Edith . Elle revendiquait en outre la liberté de pouvoir aimer des hommes plus jeunes : Musset, Chopin. Elle considérait que sa vie lui appartenait.

Sarah Bernhardt, diva assumant ses défauts

Cinquième et dernière “Belle et rebelle” d’Edith, Sarah Bernhardt a incarné une diva aux multiples talents : actrice, peintre, sculptrice ou encore écrivaine. Ce qui faisait sa force, c’était qu’elle avait tout contre elle ! Sans éducation, Sarah Bernhardt n’avait pas non plus le physique. Comme nous le rappelle Édith, “Elle était trop maigre, trop rousse, de confession juive en pleine affaire Dreyfus ! Elle était mère célibataire et comédienne, rajoutant l’opprobre à l’opprobre”. Malgré cela, elle a été la première femme française à avoir joué sur tous les continents dans la langue de Molière. Elle ne parlait pas un mot d’anglais, et pourtant, c’était une star à Londres et aux États-Unis. Sarah Bernhardt a donc réussi à retourner ses défauts en en faisant des qualités. En d’autres termes, elle a repris l’adage des réseaux sociaux, en le mettant réellement en application, dans son cas.

Belles et rebelles : un livre vivant et accessible

Après avoir passé en revue la modernité de chacune des icônes qu’elle évoque dans son livre, Édith nous avoue : “Une de mes ambitions dans la vie, c’est de rendre l’histoire accessible. J’ai un style d’oralité. C’est-à-dire que j’écris comme je parle. Je ne voulais en aucun cas produire un texte artificiel ou littéraire : je n’ai pas la prétention d’être Marcelle Proust ! Je me suis contentée de faire quelque chose de naturel et de vivant.”

Cela ne l’a pas empêchée d’ajouter des citations tirées de chacune des époques qu’elle a abordée. Pour Christine de Pisan, elle a rapporté les commentaires de ses contemporains, selon lesquels “elle avait quelque esprit, si tant est qu’une femme puisse en avoir”. Cela produit un petit choc anachronique pour le lecteur qui ne s’attend pas à de tels allers-retours entre langage parlé actuel et citations littéraires médiévales. “J’ai voulu provoquer”, avoue Édith. Mission accomplie pour cet ouvrage, aussi informatif qu’il suscite empathie et réflexion chez son lecteur…

Couverture du livre Belles et rebelles de l'écrivaine Edith de Belleville.

Êtes-vous prêt(e) à vous plonger dans cette séance de coaching par l’Histoire ? Parmi ces cinq “Belles et rebelles”, laquelle a votre préférence ? Expliquez-nous en les raisons dans les commentaires…

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