La tendance Frida Kahlo : décryptage

Aux musées, aux théâtres, dans les galeries et les centres culturels, mais également sur des t-shirts, des boucles d’oreilles, des mugs, des tote-bags et même des jouets pour enfants et chez Disney… Frida Kahlo est partout. Ses œuvres, ses fleurs dans les cheveux et son monosourcil ont envahi l’espace public depuis quelques années et conquis les femmes de tout horizon. Mais d’où vient cet engouement massif pour une peintre Mexicaine des années 30 ? Pourquoi la tendance Frida Kahlo s’est-elle imposée aussi massivement ?

Un véritable héritage iconographique

L’iconographie de Frida Kahlo n’a jamais été aussi populaire, alors qu’une grande rétrospective se prépare au musée Cleve Carney de Chicago. Mais au-delà de ses toiles, c’est bien son image à elle qui est mise en avant. Si Libé et Konbini se sont récemment attardés sur les affaires légales et judiciaires autour de la Frida Kahlo Corporation , ce qui nous intéresse ici est plutôt de comprendre pourquoi ?
Pourquoi l’image de Frida Kahlo est-elle tellement en vogue ? Pourquoi parle-t-elle à autant de femmes ? Voyons quelques éléments de réponse.

Autoportrait aux cheveux défaits, 1947. Huile sur toile, 61 cm x 45 cm. Des Moines Art Center, États-Unis.
Autoportrait aux cheveux défaits, 1947. Huile sur toile, 61 cm x 45 cm. Des Moines Art Center, États-Unis.

La briseuse de tabous

Frida est une artiste particulièrement engagée. Pour le communisme dans lequel elle croit, mais aussi et surtout pour l’émancipation féminine. Elle milite activement pour la scolarisation des filles et pour l’égalité des genres. Se prédestinant au départ à une carrière médicale, elle a été l’une des rares filles admises à l’école de médecine, seulement 35 sur 2000 étudiants, un constat qui l’alarme profondément.

Contrainte d’abandonner ses études après son accident, Frida se consacre désormais à la peinture, en partie car peindre sa souffrance l’aide à surmonter son traumatisme, mais aussi parce qu’elle souhaite travailler et gagner sa vie de manière indépendante.

Frida rejette systématiquement le rôle traditionnel de la femme, notamment dans un Mexique catholique et conservateur.

« Je ne veux pas suivre le même parcours que toutes les autres femmes Mexicaines, soumises, silencieuses. Non, moi je veux voyager, étudier, je veux la liberté et le plaisir. Tous les plaisirs. »

Surtout, Frida Kahlo a su briser le silence sur les tabous féminins.
Dans ses peintures et dans ses écrits, elle parle librement de ces thèmes interdits, pourtant quotidiens à toutes les femmes, sans détour, mais toujours poétiquement.

Elle a brisé le tabou du mariage

Mariée, puis divorcée, puis remariée avec Diego Rivera, ils finissent par habiter dans des maisons séparées reliées par une passerelle, et malgré l’amour profond qu’ils se portent, ils ne s’empêchent pas de vivre une relation libre.
Il est bien difficile de parler de Frida sans mentionner Diego tant leurs histoires sont interconnectées, et tant il a été important pour elle et elle pour lui, cependant cela n’empêche pas notre peintre Mexicaine d’être libre et indépendante.

Elle a brisé le tabou du sexe et du corps

Frida ne s’est jamais empêchée de vivre librement sa sexualité. Outre Diego, elle a multiplié les amants et amantes. L’artiste ne s’en est jamais cachée, pas plus qu’elle n’a caché son corps. Aujourd’hui, quand on pense à Frida, on imagine volontiers Salma Hayek et on visualise ses sublimes photographies en couverture de Vogue.

Cependant, c’est un peu vite oublier que – même si elle était bien évidemment magnifique – son corps était également « un champ de bataille » qui a subi 27 opérations à la colonne vertébrale, et dont l’une des jambes, déjà atrophiée par la polio, a fini par être amputée. Mais son corps mutilé, son corps handicapé, son corps de femme, Frida ne l’a pas caché, elle l’a peint.

Frida Kahlo a également défié les standards traditionnels de la beauté féminine, en jouant avec les codes du féminin-masculin par exemple, ou en affichant sa pilosité.

La Colonne brisée, 1944, huile sur bois, 40cm x 30,50 cm. Musée Dolores Olmedo, Mexico, Mexique.
La Colonne brisée, 1944. Huile sur bois, 40 cm x 30,50 cm. Musée Dolores Olmedo, Mexico, Mexique.

Elle a brisé le tabou des fausses couches

Frida rêvait d’être mère, mais son corps meurtri n’a pas supporté ses grossesses et l’a poussé à faire (au moins) deux fausses couches.
Encore une fois, elle ne l’a pas caché, et en a fait l’un des tableaux les plus bouleversants de la peinture contemporaine.

L'hôpital Henry Ford ou Le Lit volant, 1932. Huile sur métal, 32.5 cm x 40.2 cm, Musée Dolores Olmedo, Mexique.
L’hôpital Henry Ford ou Le Lit volant, 1932. Huile sur métal, 32,5 cm x 40,2 cm, Musée Dolores Olmedo, Mexique.

Non seulement Frida représente concrètement sa fausse couche, mais elle évoque également son désespoir face à ce drame, ses sentiments bouleversés, qu’elle ne cache pas par commodité.

De peintre badass à icône de la Pop Culture

Frida Kahlo était une artiste femme, militante, racisée et en situation de handicap, c’est donc assez naturellement qu’elle parle à beaucoup de femmes et sur beaucoup de niveaux différents.

Son iconographie est celle d’une femme forte, libre et de surcroît peu sexualisée.
Une iconographie dont nous avons, il semblerait, bien besoin.

Personnellement, plus j’apprends de choses sur Frida Kahlo, et plus je la trouve fascinante. Aujourd’hui, je l’appelle par son prénom, je reconnais son visage en deux secondes, j’en parle comme d’une vieille amie. Et je suis loin, très loin, d’être la seule.
J’ai rencontré des femmes qui sont allées à Coyoacan visiter la maison bleue dans laquelle elle avait vécu, des artistes dont elle était la principale source d’inspiration, des jeunes filles qui la prenaient pour modèle etc.

Et nous avons besoin de modèles. Vous pouvez y voir du fanatisme ou une lubie d’ado, mais cela n’y changera rien.

Parce que les femmes ont été trop longtemps oubliées, mises au second plan, parce que les femmes sont encore aujourd’hui marginalisées et dévaluées.

Alors que la société change, à l’heure où la parole se libère, il est assez normal et certainement salutaire que l’on se rassemble autour de figures fédératrices et rassurantes, que l’on se constitue un vocabulaire et un imaginaire communs.

De plus, il est enfin temps de refaire de la place aux grandes femmes de l’Histoire, si souvent laissées de côté.

Frida Kahlo ne s’est pas seulement imposée dans un monde d’hommes, elle y a imposé sa féminité. Elle n’a pas seulement transcendé sa condition de femme, elle l’a magnifié.

Il y a des œuvres et des artistes mondialement célèbres, mais combien passe dans l’imaginaire collectif ?
Aujourd’hui l’image de Frida Kahlo a été réappropriée par des femmes de tout horizon, tout milieu social, toute classe d’âge.

Frida Kahlo dans Coco de Disney, 2017.

Frida Kahlo dans Coco de Disney, 2017

Le Merchandising abusif

Néanmoins, ne passons pas à côté d’un point important, celui du merchandising abusif perpétré par de grandes enseignes qui surfent sur la Frida Mania.

Aujourd’hui, les grandes marques de prêt-à-porter ont flairé le filon. Ainsi, vous trouverez de beaux petits crop tops Frida Kahlo chez Jennyfer, Pimkie et j’en passe, ce qui est, cette fois-ci, tout aussi ridicule que le Che sur des Converse ou Lénine sur des Doc Martens.

Vous trouverez rapidement votre bonheur parmi les créateurs.rices indépendant.es pour lesquel.les Frida est une grande source d’inspiration. Vous trouverez facilement des centaines d’articles craftés rien que pour vous, au même prix, de bien meilleure qualité et sans ressentir de dichotomie cognitive en prime. C’est gagnant-gagnant !

En conclusion

Ne vous sentez pas coupable d’afficher une grande icône du Féminisme dans garde-robe. Si c’est ce dont vous avez envie, allez-y ! Mais allez plutôt faire un tour sur Etsy (ou chez d’autres créateur.ices indépendant.es) et faites-vous plaisir !

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