On a une date, on compte les jours comme ces condamnés aux bagnes tropicaux grattaient les murs avec leurs ongles écorchés. Le confinement, la quarantaine, l’enfer de l’enfermement devrait progressivement devenir un mauvais souvenir à partir du 11 mai. Mais que la vie aura changé !
Le 11 mai sera la nouvelle date de fête nationale, le premier niveau de libération, un état d’allégresse peut-être aussi fort que l’arrivée des corned-beef en 44. Fin du confinement… On l’attend comme si les beaux jours reviendront, alors qu’avant on râlait déjà pas mal et il ne faudrait pas trop y revenir quand même. Après la pluie vient le beau temps. En ce moment il fait beau. C’est peut-être le signe qu’il faut plutôt profiter du confinement, car après ce sera le turbin.
Dans tous les cas les mentalités auront changé, que ce soit au travail (qu’on a fini par oublier) ou à la maison (qu’on adore ou qu’on déteste). Alors, pour passer le temps au pied de mon café face à la fenêtre grande ouverte sur un dehors auquel je n’ai pas le droit, j’ai listé les changements qui nous affecteront le plus.
Gros changements après le confinement
Écologie, pollution, manger bio, faire attention, être raisonnable… Nous en avons pris l’habitude et nous la garderons un peu par inertie, mais les nouveaux diplômés en marketing auront raison de nous et nous reconsommerons comme des zombies qui ne veulent pas mourir. Au lendemain du confinement, nous aurons toutes envie de vivre, de nous amuser, de dépenser, de crier notre goût de la vie, de la sortie, des baisers… Mais nous aurons peur des plus petits bisous, les musées et les salles seront fermés, et de toute façon nous n’aurons plus de fric. À sec, nous regarderons silencieusement les devantures et les affiches nous disant que les vraies valeurs sont dans les jeux de société récemment redécouverts.
Les secteurs de la mode, du luxe et du divertissement culturel seront effondrés, block out, on leur reprochera même d’afficher les traces de bonheur dans la récession économique où nous serons. Avant que les plus fous ne fracassent boutiques ou musée, avec tous les services de presse de la terre je tâcherai de sauver ce qui nous reste d’urbanité. En fait l’économie mondiale du monde devrait le sentir passer tellement fort qu’il y a toutes les chances pour qu’il n’y ait pas de soldes en juillet. C’est plus une année morte, c’est le déluge biblique.
Et mince alors ! Quelle idée affreuse d’avoir laissé penser que la mode n’était pas un produit de première nécessité (contrairement au Nutella et aux sodas) ! C’est une grave erreur de communication que nous devons remettre sur rail. Ce ne sera pas facile, je sais, mais nous n’avons pas le choix les filles !
Retour aux fondamentaux
Et puis nous ne voulons plus la même chose. Les heureux nantis d’un 17 m2 dans le 19e arr. vont lâcher leur loyer et leurs coins de mur moisis pour un pavillon en banlieue avec un jardin. Paris va se vider de ceux qui se forçaient à respirer l’air polluer pour avoir une belle adresse inhabitable. L’immobilier Transilien même éloigné va monter, et l’intra-muros va devenir raisonnable (je vais enfin pouvoir devenir propriétaire). Nous allons devoir alimenter la rubrique Jardinage et Déco Maison à la place de Sorties et Concerts. On a une industrie du divertissement à remonter les filles !
Changement de mentalité post-confinement
Je travaille déjà à faire comme toutes les filles devenues raisonnables dans un environnement où le féminisme revendiqué du compagnon ne maquille plus son inutilité quotidienne. Alors dans mon profil AdopteUnMec, mes critères ne sont plus le style et la maîtrise de langues inutiles ou l’abonnement à Beaux-Arts, mais savoir bricoler.
Oui, savoir bricoler, réparer, même un peu, même recoller un coin de papier peint humide… Et puis savoir faire la cuisine, lire en silence, raconter avec enthousiasme ou poésie sa journée même pas intéressante. Aussi savoir se retenir de fumer sans devoir se gratter ou secouer les jambes en mangeant. Et encore savoir s’occuper, faire du sport de lui-même, lire des livres intelligents. Ou bien posséder un manoir familial en province, au milieu d’un beau pays de vieilles pierres et de tapisseries, caché derrière une allée de cyprès, à côté de vignes et d’une forêt de châtaigniers.
Demain est un autre jour
Je ne suis plus la même. Nous avons toutes changé. Demain sera un autre jour, car plus rien ne sera comme avant. C’est le commencement d’une nouvelle vie.
Bénédicte, qui optimise face au vide