Bourse : tout comprendre avec Captain Economics

Bourse tout comprendre

L’économie vous paraît une science pleine de mystères ? La bourse vous intéresse mais vous n’y comprenez goutte ? Heureusement, Captain Economics vient à la rescousse ! Captain Economics, c’est Thomas Renault, maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Docteur en sciences de gestion, notre super héros de la culture éco-pop a décidé de nous aider à y voir plus clair. Il vient ainsi de publier Comprendre la bourse aux éditions De Boeck Supérieur le 22 février dernier. Dans un langage simple et accessible, il démystifie l’économie et la bourse. Interview…

Il y a dix ans, Thomas Renault a créé un avatar dans la blogosphère : Captain Economics. Il souhaitait à l’époque partager avec ses étudiants et le grand public des articles sur l’économie. Le ton de ses posts était conversationnel et décontracté, tout en restant scientifiquement rigoureux. Les éditions De Boeck Supérieur lui ont proposé d’écrire une trilogie économique entièrement nouvelle en reprenant ce principe. Après la bourse, Thomas a prévu de s’intéresser aux banques, puis à la monnaie.

Bourse : d’un côté, les entreprises…

Thomas commence par nous rappeler que la bourse est un simple moyen de financer les entreprises. « Si vous avez un besoin de financement pour un projet, vous pouvez demander à vos amis ou à votre famille de vous prêter de l’argent. Vous pouvez également demander un prêt bancaire. La bourse est une autre façon d’obtenir des fonds. Certes, elle est plus adaptée aux grandes entreprises et aux projets de taille importante avec des besoins de financement de long terme ».

Les bourses représentent donc le lieu (virtuel, désormais) où l’on retrouve des entreprises, d’un côté, et des investisseurs, de l’autre. Ces derniers achètent ainsi les actions de certaines entreprises, dont ils acquièrent des parts de capital. En retour, l’entreprise rémunère ses actionnaires en leur versant des dividendes. Selon Thomas, « de simples particuliers peuvent avoir envie d’acheter des actions. Cependant, ils ne représentent qu’une petite partie des sommes investies en bourse. En revanche, les grands acteurs financiers, tels que les fonds d’investissement, grands assureurs, ou encore les fonds de pension, jouent là un rôle central. Ils collectent et gèrent l’argent d’individus comme vous et moi ».

… de l’autre, ceux qui les financent

Ainsi, l’un des plus gros investisseurs boursiers au monde n’est autre que le fonds de pension américain BlackRock. Il investit l’argent que lui confient les ménages pour alimenter leur pension de retraite. En tant que fonds de pension, il gère les économies des ménages prudemment, sur le long terme. D’autres types de fonds d’investissement anglo-saxons ont au contraire une approche spéculative de court terme. En effet, lorsque ces mastodontes se mettent à vendre, leur puissance est telle qu’ils sont capables de provoquer la chute du cours d’une action.

Bourse : tout comprendre avec Captain Economics, alias Thomas Renault
Thomas Renault (c) éditions De Boeck Supérieur

Stars de la bourse : les GAFAM

« Lorsque l’on regarde la capitalisation boursière des entreprises cotées – que l’on obtient en multipliant le nombre d’actions émises par l’entreprise par le prix d’une action –, on retrouve en tête du classement Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (les fameux GAFAM), dont les capitalisations boursières dépassent toutes désormais les 1 000 milliards de dollars » (p. 39). Pour Thomas, trois facteurs expliquent les records de capitalisation boursière battus par les GAFAM.

Premièrement, on observe la montée en puissance de ces quasi-monopoles du digital, en raison des effets de réseau. C’est-à-dire que les gens se mettent sur Facebook parce que tout le monde est déjà sur Facebook. Par conséquent, l’incroyable capitalisation boursière de ces entreprises provient du fait qu’elles ont pris le contrôle d’internet.

Deuxièmement, Amazon, Google ou Microsoft ont désormais une emprise importante sur le cloud également. Ainsi, l’énorme majorité des sites tournent sur des serveurs de ces sociétés. En outre, la pandémie de COVID n’a pas gêné le surdéveloppement des GAFAM. Bien au contraire : les réseaux sociaux ont encore été davantage sollicités. Cela a donc accéléré la croissance de la valeur de ces entreprises.

Ces entreprises sont donc désormais partout. En outre, elles bénéficient, troisièmement, d’avantages compétitifs imbattables. « Par exemple, rappelle Thomas, il est à présent compliqué de se passer d’Amazon quand on est un vendeur d’à peu près n’importe quoi. Cette entreprise, au départ centré sur la logistique, a également développé un savoir-faire unique en matière de stockage et distribution de tout et n’importe quoi. ». L’emprise extrême des GAFAM sur l’économie dans son ensemble explique donc la taille de leurs capitalisations boursières.

La finance et les Français : une relation compliquée

À la fin des années 90 ainsi qu’au début des années 2000, l’actionnariat individuel, composé d’individus choisissant d’investir directement en bourse, a fortement baissé en France. Entre les Français et la bourse, c’était alors le désamour. Ainsi, la part des actions détenues directement par les ménages dans le capital des sociétés cotées s’est effritée. Elle est passée de 20 % à 12 % entre 1977 et 2015.

Cependant, depuis 2019/2020, on constate un rebond qui s’explique de deux façons. Premièrement, 500 000 petits porteurs français se sont portés acquéreurs d’actions de la Française des Jeux au moment de son introduction en bourse en 2019. Deuxièmement, les Français ont redécouvert la bourse avec les applications de trading sur smartphone, telles Robinhood ou Trade Republic. Selon Thomas, « ces nouvelles applications sont très ludiques : elles mettent en scène la croissance, puis la chute des actions. On pourrait se croire dans un casino ou sur un site de paris sportifs ! »

Elles attirent donc les jeunes, d’autant qu’elles offrent la possibilité d’acheter des crypto monnaies. « Les jeunes commencent par acheter du bitcoin, puis ils passent à d’autres formes d’investissements, poursuit Thomas. Néanmoins, ils sont mus par des réflexes spéculatifs ». Cette nouvelle forme de trading mériterait sans doute d’être mieux régulée, car elle comporte des risques, comme l’addiction ou la perte d’argent.

Conseils aux traders en herbe

Pour éviter ces déconvenues, Thomas a voulu donner certains conseils. Premièrement, « tout rendement implique un risque, qu’il ne faut jamais oublier. Si quelque chose semble trop beau, c’est sans doute qu’il existe un risque sous-jacent. Deuxièmement, il faut faire très attention aux frais de transaction. Certaines personnes peuvent être tentées de multiplier les ordres d’achats et de ventes, en oubliant que les frais de transaction peuvent se révéler très importants. Si bien qu’à la fin, le rendement ajusté des frais de transaction sera très faible, voire négatif ».

« Pour éviter ces désagréments, poursuit Thomas, il existe des produits financiers tels que les fonds indiciels ou ETF (Exchange Traded Funds). Au lieu de se focaliser sur le cours d’une action particulière, ce type de fonds va permettre à l’investisseur de diversifier son risque en le répartissant sur plusieurs actifs. Ce dernier évitera ainsi de mettre tous ses œufs dans le même panier ».

Les Français de plus en plus intéressés par l’économie

Depuis une dizaine d’années, l’intérêt des Français pour l’économie s’est accru, selon Thomas. Il explique ce phénomène en évoquant la crise de la dette de la zone euro du début des années 2010. « Les Français veulent désormais davantage comprendre le rôle joué par la Banque centrale européenne ».

Par la suite, pendant la pandémie, le public a cherché à savoir d’où provenait tout cet argent injecté dans l’économie (le fameux « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron). Les gens se sont inquiétés des conséquences de l’augmentation de la dette nationale. Cela allait-il provoquer une augmentation des impôts ? La Banque centrale allait-elle pouvoir annuler cette dette ? Le grand public a commencé à faire le lien entre les sujets d’économie générale, d’une part, et la vie quotidienne, d’autre part.

Enfin, avant le déclenchement des hostilités en Ukraine déjà, la plupart des thèmes de la campagne électorale présidentielle concernaient l’économie : réindustrialisation, inflation, pouvoir d’achat. Le prix de l’énergie focalisait particulièrement l’attention des électeurs. Ces derniers s’inquiétaient notamment de l’impact de la hausse des prix du gaz et du pétrole sur leur pouvoir d’achat. L’invasion de la l’Ukraine par la Russie n’a fait que renforcer l’anxiété de nos compatriotes liée au prix de l’énergie.

Bourse tout comprendre
(c) éditions De Boeck Supérieur, février 2022

Un ouvrage de culture éco-pop !

Thomas le reconnaît : « mon livre est un ouvrage de vulgarisation. Dans la première partie, j’ai voulu repartir de la base en expliquant ce qu’était une action. Pourquoi son cours varie-t-il ? Puis je me suis intéressé aux acteurs pour essayer d’avoir une vision d’ensemble du système. J’ai aussi voulu prodiguer des conseils pour mieux gérer son argent au quotidien. Enfin, j’ai voulu intégrer à mon livre des conseils d’épargne ».

Comme le rappelle Thomas, « il est important de vouloir épargner d’un point de vue individuel, pour se constituer un petit capital en vue de sa retraite, entre autres. Par ailleurs, d’un point de vue macroéconomique, les choix d’épargne des individus ont des implications plus larges ». Selon Thomas, « si on agrège les choix individuels en faveur d’investissements verts plutôt que d’entreprises pétrolières, par exemple, cela peut faire bouger les lignes. En effet, cela influe sur le coût de financement des entreprises. Or, les dirigeants prennent leur décision en se fondant sur cette donnée ».

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